Laurent Berger : « La question demain est de travailler tous et dans de meilleures conditions »
« La question demain n’est pas de travailler plus pour ceux qui ont gardé leur emploi mais de travailler tous et dans de meilleures conditions », juge Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, invité du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé le 13 mai 2020à 8h20 à écouter ICI.
« Il n’y a pas de miracle : là où le dialogue social a été présent, on voit des entreprises qui sont plus à même de faire cette reprise d’activité en toute sécurité », juge Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, invité de France Inter mercredi matin. « C’est le cas de certains entreprises industrielles, certains services publics et puis dans d’autres, parce que le dialogue n’a pas été présent ou de façon très unilatérale, parce qu’absence de matériel de protection, ça se passe moins bien. »
Le syndicaliste souligne les petits commerces où il n’y a pas forcément le matériel nécessaire, évoque aussi des inquiétudes « des salariés vis-à-vis du civisme des clients » ainsi que « dans le secteur de la propreté, pour les salariés chargés de désinfectés les locaux, pas toujours équipés correctement, pas toujours reconnus et évidemment toujours mal payés ».
Laurent Berger se dit aussi « incroyablement agacé que le décret qui instaure les primes et le paiement des heures supplémentaires ne soit pas encore sorti ».
En finir avec « les vieilles recettes »
« Ce serait bien qu’on déconfine un certain nombre d’idées : les vieilles recettes comme ‘moins de charges’, ‘plus de temps de travail’, ‘de la sueur et des larmes’, je ne crois pas que ce soit adapté à la situation », estime par ailleurs Laurent Berger, répondant à certains responsables patronaux ou politiques, y compris au sein du gouvernement.
« La question demain n’est pas de travailler plus pour ceux qui ont gardé leur emploi mais de travailler tous et dans de meilleures conditions. »
« Dans les entreprises, des accords peuvent exister pour adapter les conditions d’organisation du travail ; ça a toujours existé et ça continuera d’exister. (…) Mais il faut construire autre chose, y compris en développant de nouveaux emplois. On parle trop peu de la transition écologique : la rénovation thermique des logements, ce sont des milliers d’emplois. »
Concernant la sauvegarde de l’emploi, le leader syndical refuse de faire « l’oiseau de mauvaise augure » mais réclame « une reprise d’activité dans les meilleures conditions ». « Je ne voudrais pas que l’on reviennent comme avant, comme s’il ne s’était rien passé. (…) On demande au gouvernement de se mettre autour de la table pour imaginer des solutions, de long terme et d’urgence en même temps pour faire face à l’afflux de chômage. » « Pour l’instant on est dans le très court terme, mais la question est de s’interroger sur sur l’emploi dans les trois ans qui viennent. Il faut un plan massifs de formation plutôt que des licenciements, un accompagnement des jeunes qui vont arriver sur le marché du travail », préconise-t-il.
À propos d’Air France, en grandes difficultés à cause du confinement et du coronavirus, Laurent Berger explique sa « logique » : « C’est de regarder comment on peut réorienter certaines activités, accompagner les salariés vers d’autres compétences. Il y aurait deux grandes erreurs à ne pas faire : donner un chiffre globale de suppressions d’emplois sou alors dire qu’il n’y a pas de problème. S’il y a des suppressions d’emplois, il va falloir se prémunir par des accords pour jouer en défensif et en préserver le maximum ; et de l’autre côté jouer en offensif sur la création d’emplois dans des secteurs qui peuvent être porteurs demain, notamment sur la transition écologique. »
Taxer les plus hauts revenus
« Il faut une contribution accrue des plus hauts revenus », juge Laurent Berger. « Il y a beaucoup de choses à faire contre l’évasion ou l’optimisation fiscale mais aussi pour soumettre les revenus du capital aux même barèmes que les revenus du travail. Oui, il faut faire contribuer davantage les plus aisés de notre société, cela me paraît fondamental. Ce qui est important c’est que demain, la contribution de ces plus hauts revenus soit plus importante, que la fiscalité soit plus juste. »
Le leader syndical s’oppose également à une réduction des cotisations sociales. « Ça sert à financer la protection sociale : heureusement que dans notre pays, on avait encore un système qui a permis de faire face aux deux mois qu’on vient de traverser. Il faut faire attention à ce qu’on ne se désarme pas de ce côté-là, on aura besoin d’une assurance chômage qui fonctionne, d’une protection de santé et de lutte contre les inégalités. »