Retraites : l’intersyndicale considère que « la responsabilité de la situation explosive incombe au gouvernement » (AEF 24 mars 2023)
La 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites a réuni entre 1,089 et 3 millions de personnes, jeudi 23 mars 2023. Forte de cette réussite, l’intersyndicale ne désarme pas et appelle à une dixième journée de mobilisation, mardi 28 mars. Les organisations syndicales et de jeunesse se tournent vers le Conseil constitutionnel, annonçant d’une part qu’elles adresseront des « contributions » dans le cadre de l’examen de la légalité de la réforme, et d’autre part, qu’elles se saisiront du référendum d’initiative partagé s’il est validé par la juridiction.
« C’est une forte mobilisation attisée par le président de la République qui n’écoute pas et qui provoque. Les travailleurs ne s’y sont pas trompés », résume Patricia Drevon (FO), au soir de la 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites qui a réuni entre 1,089 et 3 millions de personnes, jeudi 23 mars 2023. « Le président a remis dix balles dans le bastringue hier, nous lui rendons la monnaie de sa pièce », abonde Dominique Corona (Unsa).
« UNE RÉPONSE AUX CONTRE-VÉRITÉS » D’EMMANUEL MACRON
Pour l’intersyndicale au grand complet, cette nouvelle journée est « une réponse aux contre-vérités exprimées par le président de la République et son entêtement incompréhensible », affichés lors de son interview télévisée de la veille. « L’intersyndicale réaffirme que contrairement aux propos du président de la République, de nombreuses alternatives aux mesures d’âge ont été formulées. Aucune n’a été sérieusement étudiée. La responsabilité de la situation explosive n’incombe donc pas aux organisations syndicales mais bien au gouvernement », poursuivent les treize organisations syndicales et de jeunesse. « Le mouvement n’est pas terminé. Il y a une détermination énorme face à un Emmanuel Macron qui voulait passer à autre chose », souligne Murielle Guilbert (Union syndicale Solidaires).
« À l’issue d’un parcours parlementaire chaotique, au cours duquel le gouvernement a utilisé tous les outils constitutionnels à sa disposition permettant de limiter l’exercice démocratique, le texte de loi est à présent soumis au Conseil Constitutionnel. Dans ce cadre, l’intersyndicale lui adressera prochainement des contributions explicitant les raisons pour lesquelles cette loi doit être entièrement censurée », indiquent les organisations. Parallèlement, elles saluent l’initiative parlementaire consistant à lancer une procédure auprès du même Conseil constitutionnel pour obtenir l’organisation d’un référendum d’initiative partagée. « Les organisations syndicales et de jeunesses sont prêtes à y prendre toute leur part dans le périmètre de leur représentation du monde du travail et de la jeunesse », ajoutent-elles.
« LA TENSION AUGMENTE »
« Les organisations syndicales fournissent un cadre pour que la colère puisse s’exprimer pacifiquement. Plus le temps passe, plus l’exécutif reste entêté, plus la colère monte et plus il y a besoin de soupapes », explique Marylise Léon (CFDT). De fait, journée après journée, la tension augmente dans et autour des cortèges. « Les tensions sont liées à la colère sociale qui monte. Les organisations syndicales condamnent à l’unisson les violences, mais c’est le gouvernement qui en porte la responsabilité », considère Catherine Perret (CGT). Une responsabilité liée d’une part à l’absence de réponse aux revendications après plus de deux mois de mobilisation, et d’autre part à une forme apparente de durcissement de la gestion du maintien de l’ordre. Classiquement, les analyses des organisations syndicales divergent sur ce sujet qui ne figure pas dans la nouvelle déclaration intersyndicale. « Il faut se mettre d’accord à la virgule près sur ce sujet et nous ne voulions pas sortir trop tard de l’intersyndicale », sourit Benoît Teste (FSU).
« Emmanuel Macron a joué la partition de l »ordre ou le chaos’ en parlant des ‘factieux’ et des ‘factions' », continue-t-il. « Nous dénonçons les violences policières. Partout, il y a eu des tensions et de la violence à l’encontre de syndicalistes. Il y a trois millions de personnes dans la rue et la réponse est de nous taper sur la tête. Nous condamnons vivement cela », déclare Simon Duteil (Union syndicale Solidaires). « Il est inadmissible que la police envoie des grenades dans les cortèges syndicaux », abonde Catherine Perret (CGT) qui voit là « une dégradation voulue par le gouvernement dans la gestion du maintien de l’ordre ».
D’après des témoignages recueillis auprès de membres du service d’ordre syndical de la manifestation parisienne, le carré de tête a été visé à deux reprises par des grenades lacrymogènes en fin de parcours. « Nous attendons de savoir ce qui s’est réellement passé pour réagir », indique Marylise Léon (CFDT). « Tout le monde sait que le service d’ordre de l’Unsa est en bleu. On ne peut pas les confondre avec des black blocks. Si effectivement, le carré de tête a sciemment été visé par des lacrymogènes, il va falloir régler le problème très vite avec la préfecture », réagit Dominique Corona (Unsa).
UNE 10E JOURNÉE EN PLEIN CONGRÈS DE LA CGT
Quoi qu’il en soit, l’intersyndicale appelle « les millions de travailleurs et travailleuses, les jeunes et les retraités à continuer de se mobiliser » pour obtenir le retrait de la réforme. Cela passera par « des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end » et une dixième « journée de grève et de manifestations mardi 28 mars », soit en plein milieu du 53e congrès confédéral de la CGT. Cette neuvième journée est d’ailleurs venue percuter le congrès de la CFE-CGC. « Nous avons l’habitude d’allier la construction des luttes et nos temps de démocratie interne », affirme Catherine Perret (CGT). « Nous organiserons le congrès de telle sorte que les délégués puissent participer à la mobilisation à Clermont-Ferrand », ville accueillant le congrès, ajoute-t-elle. L’intersyndicale prévoit de se réunir à nouveau dans la soirée du 28 mars pour faire le point sur les suites à donner au mouvement.