Inria: Pourquoi nous avons voté contre sur le COMP 2024-2028 et le Budget initial 2024
Veuillez trouver ci-après les explications de votes de la CFDT lors de la dernière séance du Conseil d’administration du 13 décembre 2024 concernant le COMP 2024-2028 et le Budget Initial 2025 qui en découle… (mail un peu long mais les sujets le méritent !)
Vote contre sur le COMP 2024-2028
« Sur la forme, comment le personnel pourrait-il adhérer et se mobiliser pour un COMP à la rédaction duquel il a été délibérément et constamment tenu à l’écart? Nous avons proposé de façon répétée pendant tout le mandat précédent une participation des instances paritaires à la rédaction afin de faire des buts de l’institut ceux de tout le personnel, améliorer le dialogue social, permettre à toutes et tous de s’approprier la stratégie. Cette proposition a été appuyée par le comité d’évaluation HCERES. Et pourtant aucune instance ni aucun centre ni aucune organisation sociale n’a été consultée, et encore moins écoutée, durant la phase de préparation. Les quelques réunions dans les centres ne permettaient pas la discussion, puisque le document n’était pas connu. Quand il l’a été, et discuté au CA avant d’avoir été envoyé au personnel, aucune modification de fond n’était plus possible. C’est avec tristesse que nous constatons que bien sûr, cette méthode creuse un écart entre les buts affichés de l’institut et les motivations habituelles des membres du personnel.
Ce constat est d’autant plus problématique que la direction générale, jusque dans la dernière version du COMP, affirme le contraire contre toute évidence, ce qui ne peut que contribuer à éloigner le personnel de ce COMP et des évolutions souvent très significatives qu’il propose.
Sur le fond, nous constatons que ce document affiche plusieurs ambitions que nous partageons : une volonté de permettre aux chercheurs de prendre des risques ; des dispositifs qui permettent de s’emparer rapidement de sujets nouveaux ouverts par des changements sociaux et environnementaux ; un comité des parties prenantes qui, à la condition toutefois qu’il soit correctement mis en place, pourrait permettre une politique d’exercice de responsabilité sociale par l’institut ; une volonté affichée de soutenir les projets non prioritaires qu’il serait risqué d’appauvrir.
En revanche, nous dénonçons et ne soutenons pas la rhétorique de l’impact à tout prix, sans égard pour le contenu et le sens de cet impact. Nous ne soutenons pas le passage de l’institut en ZRR. Nous comprenons l’intérêt stratégique qu’il peut y avoir à concentrer les efforts top-down sur un nombre limité de partenaires stratégiques, mais nous ne soutenons pas les limites aux collaborations internationales, notamment la liste très limitative des partenaires avec lesquels ces collaborations peuvent faire l’objet de contrats (notamment les équipes associées). Nous dénonçons avec force le changement proposé pour la mission principale de l’institut, désormais entièrement dévoué à la souveraineté numérique de la Nation, reléguant la recherche scientifique au statut de moyen parmi d’autres de parvenir à cet objectif.
Toutes ces mesures auront un impact direct et très négatif sur la capacité de l’institut à remplir sa mission primaire, celle de faire de la recherche d’excellence, ainsi que sur son attractivité nationale et internationale. Pour nous, la recherche ne sert pas seulement l’État, mais contribue à l’avancement de la science et à l’amélioration des conditions de vie des habitants du pays et de la planète notamment par la santé, l’éducation, l’égalité et la justice sociale et environnementale. La recherche n’est pas seulement une entreprise nationale mais permet la coopération scientifique entre les pays, et sans dénier la dualité des technologies, elle est également un facteur de dialogue et de paix. Nous regrettons ne pas avoir pu contribuer à un COMP qui aurait fait de ces valeurs une partie de sa stratégie.
Dans son état actuel, le COMP fait l’objet, sur la forme comme sur le fond, d’une opposition interne significative que nous appelons solennellement à ne pas enjamber : les Comités d’Équipes-Projets de la grande majorité des Centres Inria ont voté à de larges majorités des motions indiquant ne pas avoir été associés à la rédaction du COMP et ne pas se reconnaître dans ce document. Plus de la moitié des personnels scientifiques permanents Inria (DR+CR+ISFP+détachés entrants) ont récemment voté une pétition en ce sens. La Commission d’Evaluation a également adopté, à une large majorité, une motion regrettant de ne pas avoir été associée à la réflexion en amont de la rédaction du COMP. Dans le contexte politique actuel, en l’absence de gouvernement et donc de ministre en charge, il nous semble indispensable de prendre le temps d’une consultation interne réelle, en cohérence avec la recommandation de l’HCERES, et de revoir ce texte en profondeur pour qu’il puisse mieux répondre aux attentes de l’ensemble des personnels de l’institut et devenir ainsi un projet partagé plutôt qu’une source d’oppositions. Nous votons donc contre la version du COMP proposée aujourd’hui et appelons à ce que soit décidé, en concertation avec les OS, un calendrier précis pour cette consultation et la mise au vote d’une nouvelle version du COMP lors d’une prochaine réunion du Conseil d’Administration d’Inria. »
Vote sur le Budget Initial 2025
« Cette année, la CFDT aimerait pouvoir se féliciter comme les années précédentes de la trajectoire de croissance prévue dans le Budget Initial 2025 pour l’institut par rapport au budget réalisé en 2023. Mais l’expérience des dernières années nous oblige à interpeler à nouveau le CA sur la capacité réelle de l’institut et de ses personnels à accompagner la réalisation de ce budget, et relève le décrochage devenu systématique ces dernières années entre le Budget Initial et le budget effectivement réalisé.
Nous notons également une quasi-stabilité de la subvention pour charge de service public une fois prise en compte l’inflation. Cette stagnation de la SCSP nous interroge alors même qu’elle devrait augmenter significativement au vu des nouvelles missions confiées à Inria, notamment en conséquence de la création de l’Agence de Programme, et devrait par ailleurs augmenter mécaniquement, ne serait-ce que pour absorber le GVT et les nouveaux recrutements. Comme cela a été reconnu publiquement à plusieurs reprises par des membres de la Direction Générale d’Inria, cette trajectoire budgétaire n’est, je cite, « pas soutenable ». Une des conséquences très inquiétantes de cette trajectoire est le ratio entre la Masse Salariale Limitative et la Subvention pour Charge de Service Public, qui atteint désormais le chiffre record de 92%, un niveau qui ne traduit pas une gestion financière saine de l’institut. Une autre conséquence est que le fond de roulement est prévu pour être négatif fin 2025 de plus de 40M€. On doit y voir le résultat d’initiatives prises par la Direction Générale depuis quelques années, qui a décidé de financer « en interne » des actions nouvelles dans le cadre du COP précédent mais sans recettes dédiées. Une telle politique relève d’un pari assumé depuis plusieurs années par la Direction Générale mais dont rien ne prouve qu’il sera gagnant, a fortiori dans le contexte actuel. C’est le pari selon lequel l’État sera convaincu de la pertinence de ces actions et finira, un jour, par apporter en conséquence le financement correspondant. Ce jour n’étant pas arrivé, la Direction Générale d’Inria reconnaît que, je cite, « toute la croissance d’Inria n’est pas financée ».
Ce n’est pas le seul pari risqué sur lequel s’appuie le Budget Initial proposé pour 2025. En effet, le plafond d’emploi sur lequel il repose, soit 1886 équivalents temps pleins travaillés (ETPT), n’est proposé au vote que, je cite, « sous réserve qu’il n’excède pas le plafond d’ETPT qui aura été notifié à Inria par le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur pour 2025 ». Que se passerait-il si le ministère ne valide pas ce plafond d’emploi ?
Autre point saillant pour nous, le financement de l’action sociale déléguée à l’AGOS qui ne suit une fois encore ni l’inflation ni la croissance de l’institut. Cela se traduit mécaniquement par une baisse du montant moyen des prestations sociales par agent.
Nous regrettons par ailleurs que certains choix d’exécution budgétaire ne soient pas suffisamment discutés avec les OS, notamment les recrutements, les promotions et les régimes indemnitaires des agents.
Il y a deux ans, les élus CFDT avaient voté pour le budget 2023, mais avaient relevé des points d’attention importants pour la soutenabilité de la trajectoire budgétaire de l’institut. L’année dernière, sans réponse ni évolutions satisfaisantes à ces points d’attention, les élus CFDT s’étaient abstenus sur le budget initial 2024. Pour les raisons évoquées à l’instant, nous regrettons de constater que ces points d’attention sont désormais devenus des inquiétudes profondes sur le budget 2025, et pleinement conscients de l’importance de notre décision, nous votons contre ce Budget Initial. »