Édito du 16 avril 2025

HCERES : la fin d’une illusion d’indépendance

L’HCERES tangue. Le processus parlementaire n’est pas encore bouclé, des zones d’ombre subsistent sur sa disparition annoncée, mais déjà sa présidente, Coralie Chevalier — interviewée par News Tank — a senti passer le vent du boulet. Et pour cause : l’institution vacille, prise dans une tempête politique où la science devient terrain de jeu.

Cet épisode législatif, aussi opportunément instrumentalisé soit-il, révèle crûment un malaise plus profond : celui d’une communauté scientifique dépossédée de ses prérogatives, privée du contrôle de ses propres règles du jeu. Il met en lumière une confusion dangereuse entre deux fonctions pourtant bien distinctes : l’évaluation de la recherche par les pairs — qui nécessite compétence, rigueur, et légitimité scientifique — et l’évaluation des politiques publiques, qui relève d’un tout autre niveau d’analyse, politique celui-là.

Mais voilà : certains parlementaires s’imaginent qu’évaluer la recherche est à leur portée, oubliant un peu vite que la science ne se plie pas aux logiques de couloirs ou de commissions. Sauf que cette dérive n’est pas nouvelle. L’indépendance de l’HCERES vis-à-vis du pouvoir politique ? Une façade, depuis longtemps fissurée. La Cour des comptes, dans son rapport de 2021, n’a pas mâché ses mots : discrédit moral et financier. Rideau.

Et pourtant, des alternatives existent. Dans chaque EPST, des instances d’évaluation fonctionnent — discrètes mais solides. Elles rassemblent des élu·es par la base, des nommé·es par l’administration, dans tous les corps de métier : chercheur·es, enseignant·es-chercheur·es, ingénieur·es, technicien·nes. Le Comité national de la recherche scientifique en est une démonstration vivante.

Alors, plutôt que de démanteler ce qui reste de légitimité dans l’évaluation, pourquoi ne pas faire confiance à ces comités ? Écoutons-les. Laissons-les travailler. Offrons-leur la transparence, les moyens, et surtout, l’autonomie. Il est temps de rendre à la communauté académique la liberté de juger de la qualité de son propre travail.

C’est à cette seule condition que le législateur pourra prendre des décisions éclairées, et allouer justement les ressources à une recherche publique qui mérite mieux que des rustines idéologiques. Car si la France veut rester parmi les nations qui comptent dans la production de savoirs, ce n’est pas en muselant ses chercheur·es qu’elle y parviendra.

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