La réforme des retraites entre dans le dur
Jean-Paul Delevoye préfère se dire « attentif » plutôt que « serein ». Alors que la concertation sur la réforme des retraites doit reprendre, lundi 21 janvier, dans un climat social tendu, le haut-commissaire chargé du dossier affiche une prudence de Sioux. Les discussions qu’il a engagées depuis la fin 2017 avec les partenaires sociaux entrent dans une nouvelle phase, avec des thématiques particulièrement sensibles à l’ordre du jour.
Les protagonistes doivent, en effet, se pencher sur les « conditions d’ouverture des droits » – formule un peu abstraite qui recouvre l’âge à partir duquel un assuré peut réclamer le versement (ou la liquidation) de sa pension. « On en était à l’apéritif, on arrive au plat de résistance », plaisante Frédéric Sève (CFDT). « C’est le gros morceau, renchérit Philippe Pihet (FO). » Le sujet est potentiellement explosif, comme l’ont montré, en 2010, les mobilisations monstres, mais infructueuses, contre le report de 60 à 62 ans de l’âge minimum pour partir à la retraite.
La question devait, initialement, être abordée à la mi-décembre 2018, mais en pleine crise des « gilets jaunes », le haut-commissaire a choisi de prendre son temps. Ce moment de répit, assure M. Delevoye, n’aura pas d’incidence sur le calendrier de la réforme : l’ancien ministre de la fonction publique dans le gouvernement Raffarin pense pouvoir présenter ses recommandations après les élections européennes de mai mais avant l’été, afin que le projet de loi puisse être adopté d’ici à la fin de l’année. « Si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’il est rangé au placard », pronostique Serge Lavagna (CFE-CGC).
M. Delevoye l’a martelé à plusieurs reprises : l’âge minimum pour liquider sa pension restera fixé à 62 ans, comme Emmanuel Macron l’avait promis durant la campagne présidentielle. « Il n’y a pas de débat là-dessus, confirme Laurent Pietraszewski, député LRM du Nord, qui est pressenti pour être le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale. Nous, parlementaires de la majorité, sommes tous alignés sur cet engagement. » « Je ne vois pas comment ça pourrait être remis en cause, surtout au vu de l’état de la société, à l’heure actuelle », confie Alain Griset, le président de l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales).
Le fait de maintenir cette « borne d’âge » à 62 ans « est plus facile à porter politiquement, puisqu’une large partie de la population souhaite pouvoir partir le plus tôt possible », commente Hervé Boulhol, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Mais il faut en même temps tenir compte des gains d’espérance de vie », ajoute-t-il. Pourquoi ? Parce que l’allongement de la durée moyenne d’existence des individus est de nature à accroître les dépenses de pension et à déséquilibrer les comptes du système. Or, il n’est pas question de creuser les déficits, ni d’augmenter les cotisations. Et baisser le niveau des retraites est tout aussi exclu, dans l’esprit du gouvernement.
« Partir plus tardivement »
Mais d’autres options subsistent. L’une d’elles consisterait à inciter les actifs à prolonger leur carrière professionnelle au-delà de 62 ans. Comme le mentionne une note transmise par le Haut Commissariat aux partenaires sociaux, que Le Monde a pu consulter, « la prise en compte de l’espérance de vie pourrait se présenter comme le fait d’indiquer que (…) il apparaît nécessaire, pour chaque génération, de partir un peu plus tardivement » si les personnes souhaitent que leur pension atteigne un certain pourcentage de leur rémunération. « C’est déjà le cas aujourd’hui, plaide M. Delevoye. Comment imaginer un seul instant que cette question ne soit pas posée ? Il faut être totalement transparents et ne pas tricher. »
A l’heure actuelle, dans le régime de base du secteur privé, un salarié qui veut percevoir une retraite à taux plein doit justifier d’une certaine durée d’assurance (jusqu’à 172 trimestres, soit quarante-trois ans, pour les personnes nées en 1973 et après). Ainsi, il peut partir à 62 ans mais sa pension subira une décote s’il n’a pas le nombre de trimestres requis. A l’inverse, celui qui poursuit son activité au-delà de la durée d’assurance nécessaire pour le taux plein verra le montant de sa retraite majoré (surcote).
« Liberté de choix »
Dès lors, la réforme en cours de construction peut s’inspirer de telles règles, sous-entend M. Delevoye. Pour lui, tout l’enjeu « est de savoir comment concilier la liberté de choix pour nos concitoyens et la nécessité d’équilibrer le système, tout en ramenant la confiance, notamment des jeunes ». Autre préoccupation défendue par le haut-commissaire : « Comment inciter les gens à avoir une meilleure retraite ? »
La note remise au patronat et aux syndicats évoque plusieurs « pistes d’évolution ». L’une d’elles est énoncée à travers l’interrogation suivante : « Est-on d’accord pour qu’un coefficient s’applique pour valoriser la pension de ceux qui reculent leur départ ? » « Le document est assez neutre dans sa présentation, relève M. Lavagna. C’est assez habile car ils ne proposent pas de vision punitive, comme à l’Agirc-Arrco. » Une allusion au régime complémentaire du privé, qui a instauré une décote de 10 % pendant trois ans (sur la pension Agirc-Arrco) si les personnes partent à la retraite dès qu’elles ont droit au taux plein dans le système de base.
« Le vrai et seul levier, c’est celui de l’âge de départ, argumente-t-on au Medef. Si on ne touche pas à l’âge minimum, il faut trouver un moyen pour inciter les gens à travailler plus longtemps. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : soit on reste plus longtemps en retraite mais avec une pension moins importante, soit on veut maintenir un niveau de pension décent et il faut partir plus tard. » Pour étayer sa position, l’organisation d’employeurs invoque aussi le fait que dans les autres pays de l’OCDE, la borne d’âge est plus élevée qu’en France : « Plutôt autour de 65 ans », selon les services de M. Delevoye.
Représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Eric Chevée milite pour un dispositif où les personnes pourraient prendre leur retraite, « sur la période allant de 62 à 67 ans », avec des incitations visant à rendre « profitable » la prolongation d’activité jusqu’à 67 ans.
Autant d’hypothèses qui inquiètent la CGT tout comme Force ouvrière. Les autres centrales syndicales, elles, expriment leur circonspection, et mettent en avant d’autres solutions à explorer. « Par exemple, la retraite progressive », cite M. Sève : un mécanisme qui permet de percevoir une fraction de sa pension de base tout en exerçant une activité partielle. « Le rôle d’un système de retraite, dit-il, doit aussi être de donner des marges de choix aux personnes. »
« La question de l’âge est importante mais ce n’est pas le point cardinal de la réforme et elle ne doit pas polluer les débats », considère M. Boulhol. L’objectif « est de simplifier et de rendre plus équitable » le système. « En même temps, complète-t-il, la règle des 62 ans ne pourra pas être figée éternellement car elle risque avec le temps d’inciter trop de gens à partir avec de faibles pensions mais rien n’oblige à la remettre en cause aujourd’hui. » Si des ajustements doivent intervenir, à moyen ou long terme, « il faudra voir comment le système sera piloté », affirme Philippe Louis, le président de la CFTC. Une manière discrète de rappeler que les syndicats entendent jouer un rôle à l’avenir et ne pas laisser les clés du camion à l’Etat.
Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières
Lire l’article du 27 février 2019 : Réforme des retraites : les règles d’indexation en débat
__________________________________________________
__________________________________________________
Frédéric Sève : « Nous n’avons pas besoin d’un nouvel âge de la retraite »
Publié le 22/01/2019 Par CFDT-Fonctions publiques
Solveig Godeluck les Echos.fr Le 21/01 à 18:40Mis à jour le 22/01 à 09:34
La CFDT n’est pas opposée à une pension plus élevée pour ceux qui partent plus tard à la retraite, pour des raisons d’équité. Mais elle ne veut pas d’une nouvelle borne d’âge en plus de l’âge minimum.
Le Haut-Commissariat à la réforme des retraites propose des « coefficients majorants » pour retarder les départs à la retraite au-delà de 62 ans. Est-ce une bonne idée ?
Il y a deux questions. La première consiste à se dire que, pour des raisons d’équité, il faut que ceux qui partent plus tard aient une pension plus élevée. Cela peut s’entendre au sens où ils « profiteront » de leur retraite moins longtemps. Mais à la CFDT, on préfère le justifier par la durée d’activité que par l’espérance de vie. L’autre question est de reconstruire ou pas dans le futur système un repère équivalent au taux plein, qui sert de référence pour les individus. Je ne suis pas convaincu que nous ayons besoin d’un nouvel âge normatif. L’âge légal suffit.
Faut-il définir des âges de référence différents pour les assurés à faible revenu dont la carrière est plate, et pour les assurés à revenus élevés dont la carrière est ascendante, comme le suggère le gouvernement ?
S’il y a une piste intéressante à suivre, c’est celle de personnaliser la retraite, pour tenir compte, par exemple, de la pénibilité du travail, de la longueur de la carrière, du handicap. Le système de retraite est traditionnellement très normatif en matière d’âge, pour des raisons d’équilibre financier. Mais il faut donner aux assurés les moyens d’avoir de vraies marges de choix individuels.
La retraite progressive est aussi une piste intéressante. Différencier les profils de carrières ou les niveaux de richesse peut être intéressant à examiner : les capacités de choix ne sont pas les mêmes quand on a une retraite confortable et quand on a une retraite proche du SMIC, voire inférieure. Je trouverais bien que le futur système se donne aussi comme mission de mieux concilier choix individuel et choix collectif.
Le haut commissariat reprend le terme de « coefficient majorant » de l’accord que vous avez signé à l’Agirc-Arrco. Pour que vous ne puissiez pas dire « non » ?
Je ne me sens pas piégé parce que les mécanismes sont différents. Dans le cadre de l’accord, la CFDT va d’ailleurs demander que l’on rediscute de la valeur des paramètres, notamment les coefficients de solidarité , mais aussi de la valeur du point. La situation financière s’améliore plus vite que prévu, les salariés et les retraités doivent en sentir les effets.
Solveig Godeluck
__________________________________________________
__________________________________________________
Laurent Berger : « Notre système de retraites est injuste »
Article Le nouvel Observateur – 11 juillet 2018 par Baptiste Legrand et Claude Soula
L’annonce de la réforme des retraites inquiète déjà beaucoup de Français… mais vous semblez l’approuver. Pourquoi ouvrir ce chantier ?
Nous n’approuvons rien a priori. Mais nous constatons que le système actuel est injuste, comme nous l’ont écrit les trois quarts des 95.000 participants à la consultation « Parlons retraites » que nous avons lancée. Il faut donc consolider notre système de retraite par répartition et le faire évoluer vers plus de justice sociale et plus de solidité.
Il faut aussi lui apporter plus de lisibilité, car sinon les gens n’y adhèrent pas. Le consentement à la solidarité intergénérationnelle passe par la confiance.
Ce sont de grands principes louables, mais les futurs retraités s’interrogent sur le montant de leur pension… Quand on modifie les règles, est-ce qu’on ne fait pas forcément des perdants ?
Et notre système actuel, il ne fait pas de perdants ? Ce ne sont pas les femmes qui ont les pensions les plus faibles ? Ce ne sont pas ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui cotisent plus longtemps ? Ce ne sont pas ceux qui ont connu le chômage et qui galèrent pour obtenir leurs droits à la retraite ? Cessons de considérer que la situation actuelle est satisfaisante ! Alors faire des gagnants et des perdants, je ne vois pas bien ce que cela veut dire, d’autant plus qu’il est possible, en s’adossant à un régime universel mais pas unique, de tenir compte des spécificités professionnelles.
Un système universel mais pas unique ? C’est-à-dire ?
Ça veut dire un système par points, lisible pour tout le monde, avec des règles de calcul communes, mais aussi avec la possibilité de prendre en compte les spécificités professionnelles. Par exemple, rien n’interdira aux salariés du notariat de continuer à contribuer à des droits particuliers dès lors qu’ils s’en donnent eux-mêmes les moyens, comme ils le font déjà. On peut continuer à faire de la solidarité professionnelle. La logique n’est pas de niveler par le bas.
Pour les Français de plus de 55 ans, qui ont déjà reçu leur « décompte » de droits à la retraite, qu’est-ce qui va changer ?
Imaginons que cette réforme soit validée en 2019. Il y aura une période de transition de dix ou quinze ans. Si vous êtes à cinq ans de la retraite, cela ne changera rien, car vous serez dans la période de transition. Il faudra déterminer les modalités de calculs, comme l’ont fait d’autres pays, mais tous les droits déjà acquis restent acquis. On ne revient pas sur les années antérieures. Il n’y a donc pas de craintes à avoir sur les droits engrangés jusqu’à la réforme.
Jean-Paul Delevoye conduit la concertation ouverte en avril.
La réforme des retraites sera-t-elle aussi une occasion de faire des économies ?
Il y a eu, ces dernières années, des réformes qui visaient à sauvegarder le système en allongeant la durée de cotisation ou en baissant les pensions. Mais aujourd’hui, la situation financière de notre régime n’est pas le sujet. Et si certains ont la tentation de faire une nouvelle réforme de ce type, la réponse de la CFDT sera très claire : c’est non ! Nous dénoncerons tout allongement de la durée de cotisation ou tout report de l’âge de départ. Et nous tenons à maintenir un niveau de 20% des dépenses de retraites consacrées à des mécanismes de solidarité. Nous demandons que le plancher de la retraite de base converge vers 100% du smic, tout en veillant à l’évolution du minimum vieillesse. Ce sont des sujets très concrets qui permettront de mesurer si on fait mieux ou moins bien.
Ce sont là vos lignes rouges ?
Nous ne traçons pas de ligne rouge, parce que le débat est ouvert. Tout est sur la table. Et puis, et c’est ce qui fait sa spécificité, la CFDT ne joue pas seulement en défense : nous faisons aussi un certain nombre de propositions. Par exemple, faire évoluer les mécanismes de solidarité pour qu’ils répondent mieux à leur cible – concernant les pensions de réversion des veufs et des veuves, il faut tenir compte de l’évolution des couples. Donner plus de liberté individuelle de façon à pouvoir baisser progressivement son activité en fin de carrière si on le souhaite – c’est ce qu’on appelle la retraite à la carte. Ou encore créer un compte épargne-temps, qui permettrait de faire des pauses durant sa carrière professionnelle.
Les agents de la SNCF seront donc concernés par cette réforme l’an prochain, comme ils l’ont été cette année par la réforme ferroviaire. Quelles leçons tirez-vous du conflit SNCF ?
On a limité la casse dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. On continue à être en désaccord avec la philosophie de la réforme qui voudrait faire croire que ce serait aux seuls cheminots de porter la responsabilité des performances de l’entreprise, mais on s’est assuré d’un certain nombre de sécurités pour les cheminots qui seraient transférés vers de futures compagnies privées. Il y a maintenant des négociations ouvertes dans la branche, qu’on a pu cadrer, et il reste à faire vivre un dialogue social un peu plus performant au sein de la SNCF.
La plupart des demandes de la CFDT ont abouti, mais fallait-il trois mois de grève pour y arriver ?
Si le gouvernement n’était pas parti en disant « les cheminots ne sont pas bons et en plus ils sont privilégiés, et c’est à cause d’eux qu’il faut faire évoluer le ferroviaire », on n’en serait pas arrivé là. Ça n’a pas été possible, le gouvernement n’a avancé que sous la force de la contrainte, celle du mouvement de grève. C’est dommage mais aujourd’hui, la question, c’est d’aboutir à une vraie convention collective dans le secteur ferroviaire, et dans ce cadre, la grève de cet été n’avait pas lieu d’être, donc on l’a arrêtée. Aujourd’hui, même s’il demeure de l’amertume et de l’insatisfaction envers le gouvernement et la direction de la SNCF, la grève n’avait plus de sens.
Sur la SNCF, vous n’avez donc pas été entendu. Mais lorsque vous avez fait savoir au gouvernement que vous ne vouliez pas que la référence à la Sécurité sociale soit supprimée de la Constitution, il a reculé. En fait, est-ce qu’il écoute ou pas vos demandes ?
Ça dépend de notre pouvoir de conviction, du rapport de force, de la qualité des arguments qu’on avance. Parfois, le gouvernement écoute et on espère qu’il le fera sur le plan pauvreté, car le repousser en septembre n’a de sens que si son contenu est fort. Il faut que le gouvernement comprenne qu’il y a une aspiration des réseaux associatifs et des organisations syndicales à participer à une transformation qui ait du sens.
Précisément, Emmanuel Macron invite les partenaires sociaux à l’Elysée, ce mardi 17 juillet, pour jeter avec eux « les bases d’un nouveau contrat social ». Que lui direz-vous ?
La CFDT dit chiche ! A condition que ce contrat social marque une protection sociale renforcée pour tous les travailleurs afin de faire face aux mutations de l’emploi et du travail. Et il faudra que les règles du jeu soient claires, avec une vraie reconnaissance du rôle des acteurs sociaux.
« Construire l’Etat-providence du XXIe siècle », comme le demande Emmanuel Macron, c’est un objectif que la CFDT partage ?
L’Etat-providence du XXIe siècle, ce doit être du progrès social, et pas seulement économique. C’est le premier message fort que le gouvernement doit entendre. Le deuxième, c’est le besoin d’un choc de confiance sur la politique sociale. On ne peut y arriver que d’une seule façon : nous devons faire des propositions. Ce qu’on a fait pour la stratégie pauvreté, ce qu’on fait pour les retraites, pour un agenda social sur la qualité de vie au travail, pour l’inclusion sociale, pour la lutte contre les discriminations, l’insertion des travailleurs handicapés.
La situation en Europe est extrêmement inquiétante, le risque de populisme n’a jamais été aussi fort. Sur la politique migratoire, l’accord trouvé entre les Européens marque un recul moral. On ne luttera pas contre le populisme avec des indicateurs budgétaires, mais avec la réaffirmation de nos valeurs, à commencer par la solidarité. Il faut du sens, dire quelle société on veut construire : une société plus inclusive, plus pacifiée, plus fraternelle. Cela n’est possible qu’en entraînant avec soi ceux qui veulent du progrès – et ils sont nombreux. Le syndrome de l’homme providentiel qui fait tout tout seul, ça finit toujours mal !
Le report du plan pauvreté que vous avez défendu, c’est un mauvais signal ?
Je me bats comme un diable depuis des mois sur cette question, et je me battrai jusqu’au bout pour peser. La défense des plus fragiles, même si ça ne nous apportera rien aux élections professionnelles, est au cœur de nos valeurs. Quand on est d’accord, quand la mesure est positive, nous le disons. Sur le « reste à charge zéro » en matière de lunettes ou d’audition, par exemple : c’est une bonne mesure, même s’il faut surveiller la mise en œuvre. Mais on descend dans la rue quand il le faut, comme pour défendre les fonctionnaires. Sur le futur projet de loi de Finances, nous disons déjà que s’il ne fait rien pour protéger la cohésion sociale, ça n’ira pas. La situation à l’hôpital est désastreuse, il y a un profond mal-être. Donner le sentiment qu’on est simplement dans les restrictions budgétaires pour réduire le nombre d’agents est une erreur. Donc quand on est en désaccord avec le gouvernement, on le dit aussi. Personne ne nous classera dans un camp, car on est dans celui des travailleurs.
Le durcissement de FO, qui appelle déjà à des manifestations communes à la rentrée, vous dérange-t-il ou vous aide-t-il ?
Si le syndicalisme se contente d’être toujours contre, il se retrouve dans une impasse. Je l’ai dit à Pascal Pavageau [le secrétaire général de FO, NDLR] : la CFDT ne participera pas à une manifestation à la rentrée sur des mots d’ordre flous. Ce serait contre quoi, au juste ? Mais ce n’est pas un drame, on n’est pas fâchés avec FO. On préfère lutter sur des points spécifiques : les Ehpad, Carrefour, la SNCF, la fonction publique, la qualité de vie au travail, la complémentaire santé. Nous, on veut aller sur le concret. Il y a une voie dans notre pays pour un syndicalisme qui porte une critique sociale forte, comme le fait la CFDT, tout en formulant des propositions et en négociant pour les faire aboutir.
Propos recueillis par Baptiste Legrand et Claude Soula
Les dates clés
- Décembre 2018. Fin de la concertation conduite par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye.
- Début 2019. Présentation des orientations retenues par le gouvernement.
- Mi-2019. Le projet de loi est débattu au Parlement.
- 2019-2029. Mise en place progressive sur une dizaine d’années.
La retraite par points, comment ça marche ?
- La Suède, l’Allemagne, l’Italie ou la Belgique ont déjà fait la bascule, avec des modalités et des réussites variables. En France aussi, la retraite par points existe déjà : c’est ainsi que fonctionnent les caisses complémentaires Agirc et Arrco.
- Le principe ? On préserve la répartition, les cotisations des travailleurs financent les pensions des retraités. Mais au lieu de compter les trimestres cotisés, on calcule en points, durant l’intégralité d’une carrière. C’est la fin des 42 régimes qui ouvrent aujourd’hui des droits différents selon qu’on travaille dans le public ou le privé, selon qu’on est agriculteur ou commerçant, sans parler des Français qui ont exercé plusieurs professions.
- L’objectif proclamé par Emmanuel Macron est simple : « 1 euro cotisé doit rapporter les mêmes droits à tous. » Ce nouveau régime serait universel, mais pas uniforme : les taux de cotisation et les droits qui en découlent pourraient être ajustés pour certains métiers spécifiques, par exemple les militaires. B. L.