En 40 ans, progression de la mobilité sociale des femmes, quasi stabilité de celle des hommes

Un article de Les clés du social du 10 aout 2019 :

« C’est tout l’intérêt des enquêtes de l’INSEE de montrer les mutations de la société française à rebours de certains discours politiques qui parlent de société bloquée. Car si la mobilité sociale des hommes par rapport à leur père est quasi stable, celle des femmes est particulièrement impressionnante, en particulier, vis-à-vis de leurs mères. Leur taux de mobilité verticale (c’est-à-dire ascendante ou descendante entre deux catégories salariées) a plus que doublé depuis 1977 pour atteindre 52 %, dépassant de 9 points celui des hommes et ces mouvements sont plus souvent ascendants que chez les hommes.

Des données qui permettent la comparaison

Les données développées dans l’enquête permettent de comparer sur de larges échantillons la catégorie socioprofessionnelle occupée par les pères et par les fils, et, nouveauté de la dernière enquête, celle des mères et des filles. Le faible taux d’activité des femmes a longtemps rendu difficile cette analyse. Et c’est un premier enseignement que ces comparaisons soient désormais possibles. Elles montrent la place des femmes, toujours plus forte dans le salariat, depuis un demi-siècle. Il ressort d’abord principalement que la mobilité sociale est considérable : 65 % des hommes actifs occupés de 35 ans à 59 ans occupent une position professionnelle différente de celle de leur père. Cette mobilité est encore plus forte pour les femmes : le même pourcentage les concernant (en comparaison de leur mère) est de 71 %. Pour les chercheurs de l’INSEE la mobilité peut être ascendante ou descendante.

La mobilité sociale des femmes par rapport à leur mère progresse de 12 points en 40 ans

Au cours des dernières décennies, les comportements d’activité des femmes se sont rapprochés de ceux des hommes. En 2015, 71 % des femmes françaises de 35 à 59 ans, actives occupées ou anciennes actives occupées, appartiennent à une autre catégorie socioprofessionnelle que celle de leur mère, encore en emploi ou l’ayant été. En 40 ans, ce taux de mobilité sociale féminine a connu une forte hausse de 12 points, concentrée entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. Inférieur de 5 points à celui des hommes par rapport à leur père en 1977, il le dépasse de 6 points en 2015. La structure des emplois féminins s’est davantage modifiée ces quarante dernières années que celle des emplois masculins.

Au sein de la mobilité verticale, la part des mouvements ascendants est plus importante pour les femmes que pour les hommes. En 2015, les femmes en ascension sociale par rapport à leur mère sont 3,4 fois plus nombreuses que celles concernées par un recul. Ainsi, 40 % des femmes occupent une position sociale plus élevée que leur mère,

Mais les filles d’une mère cadre connaissent plus fréquemment des trajectoires descendantes que les fils d’un père cadre : 32 % des premières exercent une profession intermédiaire et 10 % sont employées ou ouvrières non qualifiées, contre respectivement 25 % et 4 % des seconds.

C’est moins bien par rapport aux pères

En 2015, 70 % des femmes françaises âgées de 35 à 59 ans, actives occupées ou anciennes actives occupées, relèvent d’une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. Et on constate que si la mobilité verticale des femmes par rapport à leur mère est majoritairement ascendante, elle est au contraire plus souvent descendante par rapport à leur père. En 2015, 25 % des femmes âgées de 35 à 59 ans occupent une position sociale inférieure à celle de leur père (contre 12 % des femmes comparées à leur mère), alors que 22 % ont connu une trajectoire ascendante (contre 40 %).

Cette prédominance des mouvements descendants s’atténue lentement depuis 40 ans : en effet, le taux de mobilité ascendante des femmes par rapport à leur père a un peu plus progressé que leur taux de mobilité descendante (+9 points contre +7 points).

En 40 ans, la mobilité sociale des hommes est restée quasi stable

En 2015, 65 % des hommes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés, relèvent d’une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. Mais durant les quatre dernières décennies, ce taux de mobilité sociale intergénérationnelle est resté globalement stable. Leur mobilité sociale est de moins en moins liée à l’évolution de la structure des emplois, seulement 24 %. La part de la mobilité « structurelle » s’est ainsi nettement réduite (elle était de 40 % en 1977) et les mouvements qui n’y sont pas liés ont donc fortement augmenté au cours des quatre dernières décennies. 28 % des hommes occupent en 2015 une position sociale plus élevée que celle de leur père et les mouvements ascendants sont majoritaires au sein de la mobilité verticale. Entre 1977 et 2003, les hommes âgés de 35 à 59 ans ayant connu une ascension sociale par rapport à leur père étaient environ 3 fois plus nombreux que ceux dont la trajectoire a été descendante.

Mais, ascendants ou descendants, les trajets de mobilité masculine sont courts et ils s’effectuent le plus souvent entre catégories socialement « proches ». C’est le cas pour les mouvements ascendants : en 2015, 44 % des fils d’employés ou d’ouvriers non qualifiés sont devenus employés ou ouvriers qualifiés, mais seuls 19 % exercent une profession intermédiaire et 8 % sont cadres.

Non, l’ascenseur social n’est pas en panne !

C’est à Olivier Galland, dans son article dans Télos, qu’est emprunté ce titre. Il estime que cette mobilité peut s’expliquer en partie par les transformations de l’économie : recul de l’agriculture, déclin de l’industrie, montée d’une société de services… Mais il affirme qu’elle ne se résume pas à cette donnée. Pour lui, comme pour les chercheurs de l’INSEE, cette mobilité élevée s’explique majoritairement par des mouvements indépendants des transformations de l’économie (niveau d’éducation, formation professionnelle, mesures d’égalité professionnelle, de non discrimination, avancées sociales…).

À ce stade, même si l’étude de l’INSEE ne permet pas de l’affirmer, il est certain qu’un rééquilibrage rapide de la structure des emplois par sexe est en train de s’opérer. Et donc la société française est loin d’être immobile, même si ces mouvements s’effectuent pour l’essentiel entre les catégories populaires et les classes moyennes.

Sources

 

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