Édito du 10 juin 2025

Mission Neptune : l’heure bleue

Encore une. Une de plus. Une conférence internationale au chevet des océans. Comme un refrain désaccordé que l’on rejoue à l’infini, les grandes messes diplomatiques s’enchaînent, alignant les discours compassés pendant que les vagues, elles, montent. Le déni aussi.

Cela fait un demi-siècle que les alertes résonnent, que les scientifiques brandissent chiffres, courbes, constats. Les océans, moteurs puissants du climat, se réchauffent, s’acidifient, s’asphyxient. Ils meurent à petit feu. Et pourtant, toujours la même scène : les politiques montent sur scène pour jouer le dernier acte. Le mot de la fin leur revient. La fin ? Ou la faim ? Celle que subit une personne sur dix dans le monde, que la raréfaction des ressources marines va précipiter un peu plus dans l’abîme. Surpêche, pollution, disparition des upwellings, effondrement des chaînes trophiques : la mer rend l’âme, et nous avec.

Mais face à l’absurdité de certains — jusqu’à vouloir fouiller sans vergogne les grands fonds marins, comme l’envisage Donald Trump, au mépris de toute logique écologique — d’autres tracent une autre voie. Des solutions émergent. Ici et là, dans les pages de la presse étrangère, surgissent des idées. Comme ce tourisme repensé, plus sobre, plus respectueux, évoqué dans The Straits Times. Ou ce tournant discret, mais potentiellement historique, amorcé à Nice.

Nice, en pleine crise du multilatéralisme, théâtre d’un improbable sursaut. Tandis que certains rêvent encore de coloniser Mars, d’autres choisissent Neptune. Car oui, l’océan profond, ce continent invisible et ignoré, pourrait bien devenir le nouveau front de la connaissance et de la préservation.

L’histoire retiendra peut-être cette date : 2026, lancement de la Mission Neptune. Quinze ans pour explorer, cartographier, comprendre les abysses. Quinze ans pour bâtir une connaissance partagée, ouverte, démocratique, loin des appétits miniers.

L’Ifremer en chef d’orchestre, entouré d’agences marines européennes et internationales. La NOAA, elle, reste absente, bâillonnée par l’administration Trump, où toute mention du climat est un tabou. Science muselée, planète ignorée. Mais d’autres prennent le relais. Les flottes philanthropiques américaines rejoignent Tara Océan, et une poignée de partenaires européens et asiatiques embarquent déjà. L’appel du Grand Bleu est plus fort que les frontières.

Car l’avenir de l’humanité n’est pas rouge et poussiéreux comme Mars. Il est liquide, mouvant, fragile. Notre avenir est là, dans cette « planète bleue » qui nous porte encore, qui nous nourrit, qui nous protège , malgré nous !