Comité de suivi de l’accord carrière et rémunérations dans l’ESR : tenir les engagements

Au comité de suivi de l’accord « carrière et rémunération », la CFDT rappelle l’importance des accords majoritaires pour une action syndicale efficace et revient sur les acquis et les lacunes de cet accord. Elle rappelle que les engagements financiers pris dans cet accord s’imposent absolument à l’État.

Notre déclaration au Comité de suivi de l’accord carrière et rémunérations dans l’ESR du lundi 30 juin 2025.

Un dialogue social qui doit être renforcé

L’intervention de la CFDT restera sur l’objet précis de ce comité de suivi, même si les raisons ne manquent pas de s’en éloigner – à commencer par la sérieuse atteinte au dialogue social qu’a représenté la publication abrupte du projet de loi ModRES, sans aucune concertation préalable, alors que ce projet de loi va avoir un impact majeur sur les conditions de travail des agents et des salariés de l’enseignement supérieur, public comme privé. Les questions de calendrier politique ne sauraient tout excuser ; au contraire, pour la CFDT, ce climat politique tendu et incertain nécessite un dialogue social plus structuré et plus approfondi que jamais.

Comité de suivi de l'accord carrière et rémunérations dans l'ESR

À ce titre, l’accord majoritaire du 12 octobre 2020 est un exemple remarquable, par ce qu’il a permis, mais aussi par ce qui aurait pu être mieux, tant dans le processus que dans le contenu. Les accords majoritaires sont un outil nouveau dans la fonction publique, avec lequel ni l’Etat-employeur ni les organisations syndicales ne sont encore complètement familiarisés. Pour la CFDT, c’est un outil puissant, encore largement sous-utilisé, qui permet d’aller au-delà de la simple concertation (quand elle a lieu) vers une négociation d’engagements concrets, des acquis tangibles pour les agents.

Contexte et méthode

Rappelons le contexte : celui de la discussion de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 ; une loi par laquelle le pays prenait des engagements forts en matière de financement de la recherche, mais qui embarquait malheureusement aussi des mesures nuisibles au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche – comme la ratification de l’ordonnance sur la politique de site, la création des chaires de professeur junior ou des contrats de mission scientifique. Ces désaccords étaient connus, publics ; et il était malheureusement clair que nous n’obtiendrions pas satisfaction sur ces points. Pour autant quand, en réponse à une proposition de la CFDT, le ministère a proposé d’ouvrir la négociation sur un accord concernant les carrières et les rémunérations, nous y avons participé activement, parce qu’il y avait manière à améliorer la situation de nos mandants, les agents de l’ESR public.

Sur le processus, certainement, on aurait pu faire mieux. Un accord de méthode définissant clairement le contour des sujets en débat ; un processus de négociation structuré sur ces différents sujets ; et un accord final plus cadré sur tous les points : la justice administrative l’a dit, le comité de suivi n’est pas le lieu où les signataires peuvent poursuivre le dialogue sur la mise en place détaillée des mesures issues de leur accord. Dont acte ; il est regrettable que le ministère n’ait pas alors eu l’expertise nécessaire sur ce point. Cela nous amène à cette situation paradoxale d’un comité de suivi qui aille au-delà des organisations qui ont choisi de s’engager derrière cet accord. C’est un point qui nous semble important : un accord n’est majoritaire que si un nombre suffisant d’organisations syndicales s’engagent ; prennent le risque du « top là ! » sur un texte qui n’est jamais parfait, mais qui leur semble offrir des garanties suffisantes d’amélioration de la situation des agents, en tout état de cause plus qu’en l’absence de l’accord. Que des organisations non signataires rejoignent les signataires pour exiger de l’État qu’il respecte ses engagements, tant mieux : toute aide est la bienvenue. Mais n’oublions pas, sans majorité de signataires, pas d’accord majoritaire !

Des acquis, mais trop limités

Et des acquis, il y en a :  pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs, des dispositifs d’amélioration de la répartition en corps et grade – et notamment, pour les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, un dispositif de promotion dans le corps des professeurs d’universités qui a permis non pas de supprimer le plafond de verre qui limite l’accès des femmes à ce corps, mais au moins d’en limiter les effets : et comme nous l’espérions, ce dispositif a permis d’améliorer le taux de féminisation du corps des professeurs d’université effet qui malheureusement risque d’être contrebalancé par l’effet catastrophique du dispositif des chaires de professeurs juniors – cette crainte expliquait notre opposition au dispositif ; elle était malheureusement justifiée. Il est d’autant plus urgent de prolonger, voire de pérenniser ce repyramidage, dont les modalités peuvent d’ailleurs certainement être améliorées. Du côté des BIATSS, le dispositif de repyramidage a été beaucoup trop limité, en quantité et par son périmètre (exclusion d’une partie des BAP ITRF, absence de mesures pour les personnels des bibliothèques et de l’AENES), et ses modalités pas toujours appropriées, mais il a permis de débloquer certaines situations, et de rapprocher les cadres d’emplois de ma réalité des fonctions. Il conviendra pour toutes ces procédures de s’assurer que la situation financières des établissements ne les amène pas à procéder à des « dépyramidages » dès que l’occasion s’en présentera !

Trop peu de moyens pour mettre en œuvre une réelle politique de rémunération

Du côté des rémunérations, côté BIATSS, la convergence indemnitaire, entre corps et avec les corps comparable de la fonction publique, reste un objectif qui ne s’est guère rapproché. La méthode ministérielle, en décalage avec la réalité d’une politique indemnitaire définie dans chaque établissement, explique en partie l’insuffisance des progrès réalisés ; mais la difficulté à obtenir les moyens nécessaires est évidemment au cœur du problème. Chez les enseignants-chercheurs et les chercheurs, la mise en place du RIPEC représente un vrai progrès en terme de rémunération (même s’il est, malheureusement, en grande partie grignoté par le tassement du pouvoir d’achat des rémunérations publiques). Nous nous étions battus pour que la majeure partie des crédits affectés aille vers la composante C1, et pour que cette composante soit « à plat » pour l’ensemble des corps concernés. Cela permet d’agir plus fortement, en proportion, sur les débuts de carrière. Ce choix budgétaire accentue cependant la pression sur l’attribution des primes individuelles. Là encore, nous ne sommes pas au bout du chemin pour définir des modalités d’attributions plus transparentes, plus justes et donc plus acceptables pour les agents. Un point d’alerte majeur concernant ces agents : la contraction brutale des taux de promotion de grade, injustifiées au regard des déroulés de carrières particuliers dans ces corps, menace de réduire à néant les progrès que nous avions obtenus en terme de pouvoir d’achat.

L’accord avait renvoyé à la mi-parcours la situation des ESAS. C’était une omission regrettable et cela a été perçu par les collègues concernés comme une injustice – signe d’ailleurs de la désirabilité du RIPEC pour ceux qui n’en bénéficient pas ! La CFDT continue de demander l’adhésion pleine et entière des ESAS au RIPEC (les contours des différentes composantes permettent d’ores et déjà de tenir compte du fait que tous les ESAS n’ont pas d’activité de recherche, et que nombre d’entre elles et eux sont fortement impliqués dans la vie des établissements au-delà de leurs heures d’enseignement), qui deviendrait ainsi pleinement le régime indemnitaire des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs.

Le travail à accomplir reste considérable pour réaliser et conforter les améliorations de la situation des agents qui étaient l’objectif de l’accord. Mais cela suppose, de toute évidence, que la parole de l’État soit tenue. La « marche » supplémentaire du C1 a été publiée ; tant mieux : même si le retard n’était pas acceptable ; et s’il n’est pas normal que nous ayons eu à nous battre pour quelque chose qui était acquis. Mais les marches supplémentaires à venir, pour poursuivre une trajectoire qui fait partie intégrante de l’accord, sont aussi des dus sur lesquels la parole de l’État est engagée. Si cette parole devait être remise en cause, ce serait d’une gravité extrême pour le modèle de dialogue social sincère et exigeant que suppose la négociation d’accords majoritaires. Nous appelons donc le gouvernement à mesurer l’enjeu, et à respecter pleinement ses engagements.