Édito du 7 octobre 2025

CAS Pensions : la gonflette comptable qui plombe l’école et l’ESR

On a tous un ami qui “oublie” de distinguer l’addition du resto et sa tournée générale d’après. L’État fait pareil avec le CAS Pensions : il mélange dans une même ligne la cotisation normale, la solidarité (enfants, maladie, etc.) et la subvention d’équilibre, puis il appelle ça “contribution employeur”. Résultat : les ministères les plus intensifs en personnels — Éducation nationale et Enseignement supérieur-Recherche — paraissent indécemment chers. Spoiler : c’est de la gonflette.

La “tuyauterie” est connue : le compte doit être à l’équilibre par construction, donc on règle le problème avec un gros bouton rouge, le taux employeur, monté jusqu’à 78,3 % (civils) — 126 % pour les militaires. Et comme la démographie du régime s’est tassée (un cotisant pour un pensionné), on monte le volume pour que la musique continue. Sur la facture, ça rugit comme un V12 ; en réalité, c’est une enceinte Bluetooth.

Quand on ventile proprement (cotisation / solidarité / subvention), le taux “employeur” retombe à 34,7 %. Et là, magie : le “coût” affiché de l’éducation recule sans toucher un euro aux retraites. MEN : −13,4 %, MESR : −10,5 % ; la dépense “Enseignement” passe d’environ 5,0 % à 4,6 % du PIB. Autrement dit, on n’avait pas un mammouth budgétaire : on avait un mammouth gonflable.

Cette astuce a des effets très concrets et très moches. D’abord sur le débat public : on sermonne l’école et l’université — “tant d’argent pour si peu de résultats” — en brandissant des chiffres dopés à la convention comptable. Ensuite sur les comparaisons internationales : la France “dépense beaucoup” ? Corrigé, elle se cale juste au-dessus de la moyenne OCDE. Enfin sur les RH de l’ESR : affichage d’un coût titulaire délirant = tentation de contractualiser = moins de cotisants au régime = on remonte encore le taux. Cercle vicieux, vous avez dit inefficacité ?

Cerise sur la calculette : en 2025, +4 points de CAS pensions pour les universités, ≈ 200 M€ de surcoût (compensés). 2026 : +4 points encore, compensation incertaine. On joue au Yo-Yo budgétaire avec des établissements qui doivent embaucher, enseigner, publier… et, accessoirement, préparer l’avenir.

La sortie de crise tient en trois verbes pas sexy mais salutaires : ventiler, clarifier, publier. Ventiler : séparer strictement contributif/solidarité/équilibre. Clarifier : créer une caisse autonome des retraites de l’État, avec des règles lisibles. Publier : rétropoler les séries (budgets MEN/MESR, DIE, dépense par étudiant) et corriger officiellement les tableaux OCDE/UE. Tant qu’on n’a pas fait ça, chaque procès en “inefficacité” de l’école et de l’ESR ressemble à une critique gastronomique rédigée avec des lunettes de plongée!

On peut discuter pédagogie, gouvernance, moyens. Mais commençons par arrêter de truquer le thermomètre. La sincérité budgétaire n’est pas une option : c’est la condition pour investir où il faut, stabiliser les équipes, et enfin juger l’ESR sur ses résultats — pas sur un effet d’optique.