Édito du 21 octobre 2025

SAPS, ou la science avec et pour la société : pas d’appui aux politiques sans appui des publics

Que ce soit France Universités ou l’ANR, toutes et tous constatent aujourd’hui le fossé qui se creuse entre la science et nos concitoyens ; deux colloques à deux jours d’intervalle s’en sont fait l’écho, que nous avons suivis. Pourquoi, me direz-vous ? Parce que le syndicat CFDT Recherche EPST clame depuis des lustres l’urgence de bâtir une relation de confiance durable avec la société. Las ! Le label SAPS (Science avec et pour la société) accordé aux universités n’est pas reconduit ; le ministre lui préfère, avec son bras armé, l’ANR, un nouvel AAP dédié à l’expertise et à la science en appui aux politiques publiques. C’est vrai que le personnel politique en a bien besoin et que son acculturation aux réalités scientifiques serait la bienvenue.

On nous promet de la « science en appui aux politiques publiques ». Très bien. Mais à quoi sert une boussole si l’on débranche le capteur ? Écarter les citoyens — reléguer les sciences participatives au second plan, voire les effacer —, c’est confondre vitesse et précipitation. L’efficacité d’une décision ne tient pas à la technicité d’une note, mais à l’adhésion de celles et ceux qui la vivront. Sans SAPS (science avec et pour la société), l’expertise devient un murmure de cabinet.

Démonstration.

Premièrement, l’impact : les politiques co-construites avec usagers, collectivités, associations et professionnels réduisent les angles morts. Les savoirs d’expérience corrigent les modèles, affinent les hypothèses, détectent les effets pervers avant qu’ils ne deviennent des scandales budgétaires. Deuxièmement, la lutte contre la désinformation : on ne « décrète » pas la confiance, on la fabrique. Rien ne résiste mieux aux récits complotistes qu’un protocole tenu par des mains locales, des données ouvertes et discutées, des résultats appropriés par des communautés.

Troisièmement, la légitimité démocratique : la science publique n’est pas une liturgie, c’est une méthode. L’expliquer, la pratiquer, accepter la contradiction : voilà ce qui transforme la défiance en exigence éclairée. On objecte le coût, le temps, la complexité. Or le vrai coût, c’est la non-adhésion : projets retoqués, contentieux, campagnes de réparation. Le vrai temps perdu, c’est celui des retours à la case départ faute de dialogue en amont. Quant à la complexité, elle n’est pas soluble dans la communication descendante ; elle devient praticable dès lors qu’on équipe les publics pour l’examiner. SAPS n’est pas de la com’, c’est de la qualité.

Conclusion. Il faut sanctuariser un financement dédié (au-delà d’un simple critère obligé), pérenniser le label et sa visibilité nationale, reconnaître dans les carrières l’engagement science-société (référentiels, heures, promotions, primes), territorialiser réellement (contrats d’objectifs locaux avec indicateurs simples) et conditionner les futurs appels « expertise & appui aux politiques » à des dispositifs participatifs sérieux : comités de parties prenantes, plan de médiation chiffré, données et résultats ouverts, stratégie d’appropriation par les publics cibles. Enfin, mesurer l’effet réel : intégration des résultats dans les décisions, réutilisation des jeux de données, diversité des participants, progression de la compréhension.

On peut gouverner par notes. On ne répare pas une démocratie par circulaires. L’État veut une science utile ? Qu’il la fasse avec. Sciences Avec et Pour la Société (SAPS) : sans le « avec », le « pour » patine !