Analyse par la CFDT du rapport du COR (novembre 2019)
Suite à la demande du Premier ministre d’octobre dernier, le Conseil d’orientation des retraites (COR) a actualisé ses projections de juin 2019 en les centrant sur les perspectives du système de retraites à l’horizon 2025-2030 et sur les ajustements éventuels pour atteindre l’équilibre.
Qu’est-ce que le COR ?
Pour rappel, le COR est une institution indépendante créée en 2000, à laquelle participent activement tous les partenaires sociaux. Son analyse et ses débats s’appuient sur des hypothèses démographiques et économiques communiquées par la DREES, l’INSEE, l’ensemble des régimes de retraite et par les ministères concernés (programme de stabilité du gouvernement, DGT, DSS, DGFP…). Son rôle n’est pas de prévoir, mais de projeter la situation du système de retraites, en fonction des données dont il dispose, et à législation inchangée. Ainsi, sur la base de 4 scénarios de croissance (1%, 1,3%, 1,5% et 1,8%) et en fonction de 3 conventions retenues pour agréger les comptes des différents régimes de retraite, les perspectives du système de retraite sont projetées à court, moyen et long terme.
Son expertise est très largement reconnue et ses rapports sont des documents de référence sur la compréhension de notre système de retraites. C’est la lecture, voire l’interprétation de ces rapports qui est souvent déformée et instrumentalisée par ceux qui veulent encore et toujours des économies sur le dos des salariés.
Le rapport de novembre 2019 a été adopté à l’unanimité par tous les membres du Conseil, qui ont salué le travail d’analyse, rigoureux et objectif, réalisé en quelques semaines à la demande du gouvernement, travail qui éclaire les débats de manière approfondie et dépassionnée.
La CFDT, comme les autres membres du COR, a rappelé le fait que les simulations réalisées en modifiant les paramètres (âge, durée, cotisations, niveau des pensions) n’engagent le COR ni sur l’opportunité de prendre de telles mesures à court et moyen terme, ni sur le choix de l’une par rapport à l’autre. Il n’y a aucune préconisation du COR dans le rapport de prendre (ou pas) telle ou telle mesure paramétrique.
Que dit le rapport du COR : rien ne change !
Comme on pouvait s’y attendre, le diagnostic du COR sur les perspectives du système de retraites reste identique à celui de juin dernier. Les dépenses de retraites exprimées en pourcentage du PIB sont toujours stables : elles représenteront moins de 14 % du PIB en 2025, quel que soit le scénario économique retenu.
Il n’y a pas de problème concernant les dépenses en matière de retraites. Les dépenses ne dérivent plus comme par le passé. Elles sont désormais maitrisées, grâce aux nombreuses réformes précédentes, c’est-à-dire grâce aux efforts passés des travailleurs. Les dépenses de retraite (et leur évolution) sont en adéquation avec la richesse nationale. En conséquence, nous avons les moyens de financer nos retraites. Dire le contraire n’est pas conforme à l’analyse du COR, cela conforte les détracteurs de notre système par répartition et augmente, à tort, les inquiétudes des travailleurs, dans un climat déjà tendu.
Les ressources du système sont toujours insuffisantes : la part des ressources du système de retraites dans le PIB devrait diminuer à l’horizon 2025 et s’établir entre 13,1% et 13,5% du PIB.
Cela s’explique par :
- une modification de la structure des emplois : le gouvernement prévoit une baisse du nombre de fonctionnaires, donc moins de cotisations en projection. Cet effet est d’autant plus important que le taux de cotisation patronale de la fonction publique est plus élevé que dans le secteur privé ;
- les projections de politique salariale communiqués par le gouvernement : la rémunération globale des fonctionnaires dans les prochaines années augmenterait principalement en raison de la hausse des primes, qui ne sont pas intégrées dans l’assiette des cotisations retraite ;
- une moindre contribution de l’UNEDIC (moins de chômeurs) et de la CNAF (moins d’AVPF) ;
- et une non-compensation des exonérations de charges sociales (forfait social, heures supplémentaires), que la CFDT a dénoncée à la suite de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Au total, le déficit ou plutôt le besoin de financement du système sera compris entre 0,3% et 0,7% du PIB en 2025, en fonction des scénarios économiques retenus.
C’est bien le décrochage des ressources qui est à l’origine d’un déséquilibre de 0,3% à 0,7% du PIB en 2025. Le « déficit » s’explique par des éléments exogènes au système de retraite, en particulier par la politique du gouvernement en matière de ressources humaines pour la fonction publique.
Que dit la CFDT sur ce rapport ?
Pour la CFDT, puisque le rapport ne fait pas état d’un dérapage des dépenses, il n’y a aucune raison de vouloir changer les paramètres d’âge de départ en retraite ou de durée d’activité. Les efforts ont déjà été faits et ils ont porté leurs fruits. En outre, de telles mesures pénaliseraient les salariés avec de faibles rémunérations, avec des carrières hachées, en situation de précarité, ainsi que les femmes. Dans ce contexte, la CFDT s’opposera à toute mesure paramétrique, si le gouvernement venait à en proposer.
La situation financière du système de retraites n’est absolument pas comparable à celle des années 1990 ou 2000, où les dépenses progressaient de manière exponentielle, en raison du choc démographique du « papy boom ». Il y a désormais un déficit de ressources, ce que dit la CFDT depuis plusieurs mois. Il ne faut pas que le gouvernement fasse assumer ses choix politiques en matière de gestion des fonctionnaires par des économies sur le système de retraites, en demandant de nouveaux efforts aux salariés.
Pour la CFDT, l’objectif n’est pas d’équilibrer notre système de retraites par des mesures qui renforceraient les inégalités, mais de renforcer la confiance dans le pacte social qui fonde notre système de retraites. L’urgence n’est pas budgétaire, elle est sociale afin de lutter contre les inégalités.
C’est pourquoi il est impératif de se concentrer uniquement sur la réforme systémique. Le nouveau système universel sera d’autant plus facile à piloter, par les partenaires sociaux en particulier, qu’il sera plus juste, plus redistributif, qu’il reconnaitra les 10 formes de pénibilité du travail, qu’il donnera des marges de manoeuvre aux travailleurs sur le choix des modalités et de leur date de départ en retraite et qu’il assurera un minimum de pension décent aux retraités.
La CFDT continuera de porter la revendication d’un système de retraites plus lisible, plus juste et plus redistributif et de s’opposer à toute réforme purement budgétaire.