LPPR : le Sgen-CFDT écrit à la ministre
Loi de programmation pluriannuelle de la recherche – LPPR : afin de porter et de développer ses revendications, le Sgen-CFDT a écrit à la ministre avant d’être reçu par elle.
Afin de porter ses revendications, le Sgen-CFDT a écrit à la ministre avant d’être reçu par elle. L’occasion de rappeler notre opposition au recrutement de Tenure Tracks et à la création de CDI de mission. Et que nous portons des demandes en moyens financiers et humains : revalorisation pour tous les personnels, recrutements pérennes…
La LPPR doit être l’occasion de remettre la recherche au cœur de la société
Madame la Ministre,
Le 1er février 2019 le premier ministre, à la demande du Président de la République, a annoncé la présentation au parlement début 2020 d’une grande loi de programmation pluriannuelle de la recherche, pour une application à partir de 2021. Le Président de la République en a rappelé l’ambition : redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté, et les moyens dont elle manque cruellement depuis plusieurs années.
Cette loi porte trois enjeux :
- renforcer la capacité de financement des projets, programmes et laboratoires de recherche ;
- conforter et renforcer l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques pour continuer à accueillir les plus grands talents nationaux et internationaux ;
- consolider la recherche partenariale et le modèle d’innovation français en amplifiant les retombées concrètes générées par la collaboration avec la recherche publique.
Le Sgen-CFDT s’est félicité de cette annonce, et a pris sa part aux discussions qui ont été lancées. Il a été auditionné par les groupes de travail correspondant à chacun des thèmes cités ci dessus. Mais la communauté scientifique est désormais en attente des propositions concrètes issues des arbitrages que vous avez tirés de cette année de travail.
Les attentes sont fortes, et vos annonces doivent être à la hauteur des ambitions annoncées.
Pour le SGEN-CFDT, les enjeux sont majeurs, et nous serons très attentifs à ces annonces.
Nos revendications portent à la fois sur les modalités de financement, et sur la place et le statut des personnels.
Un objectif général pour la recherche :
Pour la CFDT, l’objectif de 3% du PIB est un objectif qui aurait déjà dû être atteint depuis plusieurs années. Il y a donc urgence à tenir a minima cet engagement, et c’est pour cela que nous revendiquons un investissement de 1,5 Md par an dans les années à venir.
Redonner des marges de manœuvre aux équipes et aux établissements :
La loi doit redonner des marges de manœuvre aux laboratoires et aux équipes. La course aux appels à projet a épuisé la communauté scientifique, et est totalement contre-productive : elle assigne les forces vives au montage de dossiers, dont les taux de réussite sont faibles (15%). Les équipes sont amenées à « produire du dossier » en permanence. Il faut donc augmenter le budget de l’Agence Nationale de la Recherche, pour passer désormais à des taux de réussite d’au moins 40%, ce qui correspond aux standards internationaux les plus ambitieux, pour remettre la France à niveau.
De même, il faut augmenter le taux du préciput à 40% pour donner aux établissements des marges de manœuvre, afin qu’ils puissent financer une véritable politique de recherche intégrant en particulier les équipes émergentes.
Revaloriser les carrières :
La loi LPPR doit aussi être l’occasion de reconnaître le travail de tous les personnels scientifiques, titulaires et contractuels. Et cette reconnaissance passe par une revalorisation indispensable des carrières et des rémunérations des agent.e.s de l’ESR, en particulier les débuts et les milieux de carrière. Pour la CFDT, il ne doit donc pas y avoir de recrutement d’enseignants chercheurs ou de chercheurs à moins de deux Smic.
Nous refusons que cette revalorisation soit une contrepartie à de nouvelles missions.
D’autre part, nous refusons que cette revalorisation soit une contrepartie à de nouvelles missions ou un accroissement de la charge statutaire des personnels en particulier de la charge d’enseignement des enseignants-chercheurs (192h). Alors que la loi ORE souligne – à juste titre – l’importance de l’accompagnement des étudiant.es, alors que le gouvernement veut mobiliser pour la recherche, augmenter le nombre d’heures de service pour répondre à la démographie étudiante serait totalement contradictoire !
Reconnaître pour tous les agents les missions qui ne le sont pas aujourd’hui.
Cette revalorisation des carrières doit au contraire être l’occasion de reconnaître pour tous les agents les missions qui ne le sont pas aujourd’hui.
Pour fluidifier les carrières, et donner de réelles perspectives aux agents, il faut améliorer pour tous les agents les flux de promotion, par exemple décontingenter le passage à la hors échelle B, augmenter le ratio de maîtres de conférence promouvables au corps des professeurs d’université…
Ne pas confondre revalorisation et compensation financière
Pour la CFDT, il faut clairement différencier cette revalorisation de la compensation financière indispensable prévue dans le cadre de la modification du système des retraites. Cette compensation doit impérativement être mise en œuvre pour que les agents ne soient pas perdants et que leur niveau de pension soit garanti comme s’y est engagé le gouvernement.
Privilégier les emplois pérennes :
Cette loi doit aussi permettre de réduire la précarité. La recherche souffre trop d’un turn over qui fragilise fortement les équipes de recherche. Cette précarité repose sur une assertion qui est fausse : les missions s’arrêteraient avec la fin du projet et de son financement. Mais en pratique, il y a globalement un renouvellement des projets qui rend les missions de recherche « permanentes » : lorsqu’un projet est arrêté, un autre lui succède avec un très grand recouvrement des compétences demandées aux agents contractuels.
Certains emplois sont en effet totalement transférables d’un contrat à l’autre, d’un projet à un autre (gestionnaire de projet, fonctions de supports techniques, comme l’informatique…).
Il est impossible de construire une véritable inclusion des personnels et une continuité de la recherche en plaçant une partie importante des agents dans des situations de précarité intolérables. Pour la CFDT, l’emploi pérenne doit être la norme.
Renforcer les contrats post-doctoraux :
La situation des contrats post-doctoraux est préoccupante. Elle a connu des dérives inacceptables. Un travail doit être mené pendant cette période sur les compétences transférables en vue de l’insertion professionnelle. Le contrat doit permettre d’obtenir des droits à la formation là aussi pour faciliter l’employabilité. Un dispositif doit aussi le cas échéant permettre de prendre en compte les séjours à l’étranger dans le calcul de la retraite. Bref, il faut faire du contrat post-doctoral une véritable opportunité pour le docteur qui ne souhaite pas ou ne peut pas, être recruté comme enseignant chercheur ou chercheur.
Favoriser la mobilité des personnels scientifiques :
Il faut également améliorer la mobilité entre public et privé. Pour cela, il faut développer la fluidité des passages en permettant et simplifiant les cumuls d’emplois à temps partiels, les mises à disposition à temps complet ou partiel, tout en conservant les possibilités de promotion. Il faut aussi permettre les congés d’enseignement et de recherche dans le secteur privé. La possibilité de contrats doctoraux doit être ouverte aux EPIC.
La question des « tenure tracks » :
Pour la CFDT, les tenure tracks ne répondent pas aux enjeux de la recherche.
Ils sont l’objet fantasmé par certains qui rêvent d’un enseignement supérieur et d’une recherche calqués sur le modèle étatsunien alors que les moyens sont incomparables !
Les chaires d’excellence, nées d’un accord entre le CNRS et les universités, se sont révélées être si inefficaces que le dispositif a finalement quasiment été abandonné.
Cette instauration d’un système à deux vitesses pour l’entrée de carrière nous paraît éminemment dangereuse :
cela pourrait créer des tensions dans les équipes dans la mesure où des statuts très différents cohabiteraient avec également une attribution différente de moyens. La titularisation directe de ces agents d’un nouveau type directement dans le corps des professeurs ou des directeurs de recherche serait inacceptable, alors qu’une part non négligeable des maîtres de conférence ou des chargés de recherche n’a pas de perspectives de changement de corps.
Pour toutes ces raisons, le SGEN-CFDT s’opposerait à une telle mesure, si elle était proposée.
À propos des CDI de mission d’une durée de 6 ans renouvelable une fois :
Les CDI de mission ne répondent pas à notre demande d’emplois pérennes.
Pour le Sgen-CFDT, ils ne répondent pas à notre demande d’emplois pérennes. Deux CDI de mission successifs, c’est 12 ans de parcours précaire, ce qui représente pratiquement un quart, voire un tiers d’une carrière. Cela met les agents et les équipes dans une situation très difficile. De plus, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, rien n’empêche les établissements de travailler sur les compétences transférables d’un projet à un autre, pour éviter cette précarisation. C’est encore plus vrai si on raisonne au niveau d’un site et que l’on donne aux agents la possibilité de se former, de s’adapter…
La CFDT, Madame la ministre, est la première organisation syndicale dans l’enseignement supérieur et la recherche, tous agents et tous types d’établissement confondus.
Elle s’est engagée à produire des propositions qui reflètent au mieux les attentes des agents qui sont ceux qui connaissent le mieux les besoins de la recherche parce qu’ils la vivent au quotidien et dans la durée. Nous vous demandons donc de leur faire confiance car ils tiennent à faire réussir la recherche française.
Veuillez Madame la ministre croire en notre profond engagement au service de la recherche.