Universités : le gouvernement se raccroche aux branches du classement de Shanghai

Publié dans Libération : Olivier Monod publié le 16 août 2021 à 16h46

La parution annuelle du classement international des universités par le cabinet Shanghai Ranking Consultancy, dimanche, nous a offert un nouvel exercice de communication politique de haut vol. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal considère dans un communiqué que «la France s’illustre à nouveau au classement de Shanghai, marqueur de son excellence scientifique». L’ex-présidente de l’université Nice-Sophia-Antipolis met notamment l’accent sur l’Université Paris-Saclay, en région parisienne, «qui décroche la 13e place» (14e l’an dernier). Elle omet de dire que si 2 établissements français gagnent des places et que 2 autres intègrent le top 1 000, 9 autres reculent et 17 autres stagnent. Pas vraiment de quoi fêter «la réussite de notre politique de recherche», donc.

Frédérique Vidal poursuit son satisfecit en publiant un graphique (ci-dessous) illustrant l’évolution dans le temps des établissements français. Une représentation complexe, mêlant les résultats d’universités n’existant plus et d’autres plus récents de structures ayant fusionné. Le tout illustre surtout que «la progression spectaculaire» des facs françaises est due à la politique de regroupements entre les établissements, menée depuis plus de dix ans, et non à une quelconque réforme en profondeur du système. Un maquillage, en quelque sorte.

Depuis 2017, nos universités enregistrent une progression spectaculaire. Réinvestissement dans la recherche, regroupement des universités, imbrication de l’enseignement supérieur et de la recherche,… Les modèles que nous avons initiés portent leurs fruits. #ShanghaiRanking pic.twitter.com/jFMApcYZ9D— Frédérique Vidal (@VidalFrederique) August 15, 2021

Rappelons que les critères de ce classement de Shanghai sont centrés sur la recherche. Ainsi, la qualité de l’enseignement est évaluée suivant le nombre d’anciens élèves ayant reçu un prix Nobel. A ce titre, la récente Sorbonne-Université (issue de la fusion en 2018 des universités Paris-Sorbonne et Pierre et Marie Curie) a gagné des places grâce à la Française Emmanuelle Charpentier, distinguée en 2020 et titulaire d’un doctorat obtenu à l’Université Pierre et Marie Curie en… 1995.

Voguant bien au-dessus de ces considérations, Emmanuel Macron s’est lui aussi fendu d’un message sur Twitter pour célébrer le résultat tricolore, affirmant sans trembler : «Nous continuerons à faire de la France l’une des grandes nations scientifiques.» A écouter le président de la République, ce serait grâce à l’action de son gouvernement que la France s’imposerait comme une grande puissance de la science.

Le Covid comme révélateur

Pourtant, de nombreux indicateurs récents prouvent le contraire. L’index du prestigieux magazine scientifique Nature pointe une baisse de 4,7% de la part de la recherche française dans les publications mondiales. Les jeunes chercheurs ne s’y trompent pas, puisque le nombre de doctorants est en baisse en France.

Surtout, la pandémie de Covid-19 est venue remettre l’Hexagone face à ces manques. Incapable de trouver un vaccin ou un traitement, la Cour des comptes a même souligné que la France a investi trois fois moins dans la recherche publique contre le virus que ses voisins allemand et britannique.

Un manque d’investissement en temps de crise qui découle d’un sous-financement récurrent, soulevé pêle-mêle par l’Académie de médecine, le Conseil d’analyse économique ou encore le Sénat. Et malheureusement, la loi de programmation de la recherche promettant d’augmenter, en dix ans, le budget annuel de la recherche française de 5 milliards d’euros ne suffira pas à rattraper le retard accumulé.

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