La réunion à Matignon tourne court (CFDT)
Face au mutisme du gouvernement, qui refuse de retirer sa réforme, l’intersyndicale réunie ce 5 avril à Matignon est rapidement sortie, toujours unie. Elle en appelle désormais à la sagesse du Conseil constitutionnel et à la mobilisation des travailleurs.
Par Anne-Sophie Balle— Publié le 05/04/2023 à 14h23 et mis à jour le 06/04/2023 à 08h25
La rencontre entre Élisabeth Borne et l’intersyndicale a tourné court. Et c’est Laurent Berger, qui, au nom de l’intersyndicale, a décidé de mettre fin à la réunion – à la suite d’une nouvelle fin de non-recevoir adressée par la Première ministre à la demande des organisations syndicales de retirer la réforme. Après des mois de silence de la part du gouvernement, l’invitation de la Première ministre à l’intersyndicale, le 28 mars dernier, en pleine journée de mobilisation, avait pris tout le monde de court ; et la décision commune d’y participer prouvait à la fois la responsabilité et le sens du dialogue de la part de l’intersyndicale. Ce 5 avril, les leaders syndicaux avaient d’ailleurs fait le choix d’arriver ensemble, affichant l’unité qui caractérise le noyau du mouvement social contre la réforme des retraites.
C’est également ensemble qu’ils sont sortis, à peine une heure plus tard, et se sont exprimés d’une même voix. « Nous avons redit une fois de plus combien cette réforme est aussi injuste que brutale, mais la Première ministre a répondu qu’elle entendait maintenir ce texte. C’est une décision grave », affirme l’intersyndicale. Un « échec » aussi, affirmeront certains leaders syndicaux, quand la Première ministre n’offre aucun signe d’ouverture et continue d’ignorer la contestation sociale qui s’exprime contre cette réforme.
Recréer les conditions de la confiance…
Dans son intervention, Laurent Berger, le premier à s’exprimer, a été clair : « Madame la Première ministre, vous ne pouvez pas faire comme s’il ne s’était rien passé depuis trois mois. Vous ne pouvez pas relancer des discussions sans recréer les conditions de la confiance, sinon de l’écoute. » À la sortie, il ne cache pas sa déception, sinon son agacement, devant ce qui constitue une nouvelle fin de non-recevoir de la part du gouvernement. « La sagesse dans une démocratie, c’est d’écouter la démocratie sociale et de se remettre autour de la table. Cette proposition, nous l’avons faite encore aujourd’hui. La réponse est de se remettre autour de la table mais de continuer comme si de rien n’était pour les retraites. Eh bien non ! »
Laurent Berger à la sortie de Matignon le mercredi 5 avril
Car l’intersyndicale refuse de tourner la page et d’ouvrir d’autres séquences de concertation… Non que les organisations syndicales n’aient pas de propositions sur les sujets évoqués par la Première ministre (usure professionnelle, plein emploi…) mais parce que « le moment n’est pas venu », affirme-t-elle. « La vie des travailleurs que nous représentons n’est pas réductible à un enchaînement de séquences. » Et Laurent Berger de poursuivre : « Nous ne passerons pas outre la mobilisation de millions de salariés et le refus de cette réforme, exprimé par la majorité de la population. »
L’appel à la sagesse du Conseil constitutionnel
Après cette réunion, c’est de nouveau vers les travailleurs que se tourne l’intersyndicale, les appelant à se joindre massivement aux cortèges, partout en France, ce jeudi 6 avril. Évidemment, les regards sont aussi tournés vers le Conseil constitutionnel, qui doit rendre sa décision le 14 avril. « J’en appelle à la sagesse du Conseil constitutionnel, qui va juger en droit et en opportunité [sur la question du référendum d’initiative partagée]. La responsabilité du Conseil, que nous respectons, est d’entendre aujourd’hui que notre démocratie a besoin d’apaisement et que l’apaisement serait que ce texte ne s’applique pas. »
En tout état de cause, l’absence de réponse de l’exécutif à cette expression citoyenne contre la réforme des retraites pourrait bien finir de transformer la crise sociale en crise démocratique. « Si elle devait être adoptée en l’état, cette réforme laisserait des traces », assène Laurent Berger. L’exécutif avait la possibilité, ce 5 avril, de montrer qu’il était prêt à écouter. Par son refus d’entendre la contestation sociale et démocratique, « il fait le choix de nous renvoyer dans la rue », résume un participant.
À PROPOS DE L’AUTEURAnne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo