L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique d’État vieillissante

    COUR DES COMPTES  26.11.2024

    La réforme des retraites du 14 avril 2023 va accélérer ce phénomène dans un contexte marqué par une pyramide des âges des agents de l’Etat déjà vieillissante. Cette mise en perspective par la Cour, associant prospective démographique et effets des réformes des retraites, est un travail inédit car les données publiques relatives à ce sujet sont quasi inexistantes. Dès lors, la gouvernance à moyen et long terme de l’emploi public est en partie aveugle.

    L’enquête a abordé la Fonction publique d’Etat (FPE) de façon globale, le rapport étant cependant assorti d’exemples sur la situation des principales administrations civiles employeuses et sur certaines catégories d’agents particulièrement affectées par le vieillissement.

    Les réformes successives des retraites ont allongé de deux ans la vie professionnelle des agents publics au cours de la dernière décennie. La réforme de 2023 poursuit ce processus en ajustant les âges légaux de départ et la durée de cotisation, avec toutefois un effet limité : en 2030, l’âge moyen des agents augmentera de 0,4 an et la durée de travail s’allongera d’environ trois trimestres.

    L’impact budgétaire reste modéré, les départs se faisant déjà tardivement, l’âge moyen étant de 63 ans et 8 mois.

    En 2022, 33 % des agents de la fonction publique d’État avaient plus de 50 ans (contre 36 % en moyenne pour l’ensemble des fonctions publiques). Si le poids des plus de 50 ans a augmenté moins rapidement que dans la fonction publique territoriale, certains segments de la fonction publique d’État méritent une grande attention. La part des plus de 60 ans est en effet passée de 4 % en 2010 à 9 % en 2021 et devrait atteindre 12 % à l’horizon de 2030. Cette évolution s’explique par la proportion importante d’agents de catégorie A et A+ dans la fonction publique de l’État qui prennent leur retraite plus tard, à la différence des collectivités territoriales qui comptent en majorité des agents de catégorie C.

    Les pyramides des âges sectorielles révèlent des zones de tension chez les cadres supérieurs, les enseignants et les agents administratifs de catégories A et B pour lesquels 70 000 départs en retraite sont prévus dans les cinq prochaines années. Les enseignants et l’encadrement supérieur, en raison de leurs entrées tardives, sont particulièrement touchés. Une meilleure planification des besoins en ressources humaines est nécessaire, mais les outils de gestion RH actuels sont insuffisants pour une approche efficace.

    Aussi une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) de l’État, actuellement limitée, doit être mise en place sans délai. A l’heure actuelle, aucune étude n’a été réalisée sur les effets de l’allongement de la vie professionnelle. Pourtant les données existent. Elles doivent être mobilisées selon des modèles de projection arbitrés par le gouvernement avec diverses hypothèses de remplacement des départs en retraite, ajustées selon les emplois et les missions.

    L’administration doit aussi adapter ses outils de gestion des ressources humaines pour préserver l’employabilité des agents, en renforçant les mesures d’accompagnement en fin de carrière (adaptation des conditions de travail, reconversion, incitations à la mobilité). Il est nécessaire d’anticiper les mutations de métiers pour éviter de nouveaux recrutements. Par ailleurs, des clarifications sont requises sur l’utilisation de leviers comme le report de l’âge de départ à la retraite et les retraites progressives, ainsi que sur l’utilisation raisonnée des ruptures conventionnelles.

    « Le vieillissement démographique structurel de la fonction publique d’État va être accentué par l’allongement des carrières découlant des réformes des retraites successives. Face à ce phénomène, l’État doit sans délai mieux anticiper et piloter ses conséquences sur la carrière des agents et leur adaptation à de nouveaux métiers et missions », souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.