Édito du 27 mai 2025

Science sous attaque : quand l’extrême droite copie le modèle Trump pour museler la recherche publique

L’attaque contre le projet OpenPortability de l’ISC-PIF (CNRS) en janvier 2025 n’est pas un fait isolé. C’est le symptôme d’un basculement politique plus large. Ce projet, conforme au droit européen, visait simplement à permettre aux utilisateurs du réseau social X (ex-Twitter) de récupérer leurs données personnelles. Pourtant, il a été pris pour cible dans une campagne coordonnée, mêlant réseaux sociaux, médias conservateurs et pressions parlementaires. Motif invoqué ? Un jeu de mots jugé « militant » : HelloQuitteX.

Ce qui est visé, en réalité, c’est le cœur même de la recherche publique indépendante, et plus spécifiquement ici, celle qui dérange : celle qui analyse les réseaux de désinformation, cartographie les écosystèmes climato-sceptiques, antivax ou pro-Kremlin. Depuis plusieurs années, les travaux de l’ISC-PIF ont précisément mis en lumière ces phénomènes, ce qui en fait une cible toute désignée.

La méthode utilisée rappelle le trumpisme : discrédit par amalgame idéologique, relais médiatique dans des médias acquis à une ligne réactionnaire (CNEWS, Valeurs Actuelles, Europe 1), instrumentalisation de la justice pour intimider, et pression politique directe à l’Assemblée nationale. Selon Le Monde et L’Humanité, cette séquence est soutenue en coulisses par des acteurs proches de Pierre-Édouard Stérin, grand mécène du plan « Périclès », visant à injecter 150 millions d’euros dans des initiatives conservatrices en France, avec un objectif explicite : faire plier le monde de la culture, de l’éducation et de la recherche.

Ce qui se joue ici dépasse largement le cas français. En Hongrie, en Pologne, en Italie, mais aussi désormais en Finlande, en Suède ou aux Pays-Bas, l’extrême droite gouverne seule ou en coalition. Partout, elle applique le même programme illibéral : austérité budgétaire, mise en concurrence des institutions, développement d’un secteur privé de recherche et d’enseignement hors de tout contrôle scientifique. En Hongrie, un quart des étudiants sont inscrits dans des universités privées, parfois financées par des fonds publics, qui diffusent une science idéologisée. Le discours scientifique est remplacé par une pseudo-science « libre », au nom de la liberté académique dévoyée, assimilée à un droit de dire n’importe quoi.

Cette stratégie, transnationale, vise à délégitimer la recherche critique, en la peignant comme politisée lorsqu’elle révèle les mécanismes de manipulation et les structures de pouvoir. Le but est clair : empêcher la recherche de jouer son rôle de contre-pouvoir démocratique.

Nous, syndicalistes, personnels de la recherche, devons voir dans cette affaire un signal d’alarme. Car il ne s’agit pas seulement de défendre une équipe attaquée, mais de défendre l’idée même d’une science publique, rigoureuse, indépendante, capable de penser le monde sans plier devant les agendas politiques. La liberté académique n’est pas une coquille vide : elle est indissociable d’un engagement envers la vérité, les méthodes, et le bien commun.

La science n’est pas neutre. Elle est un enjeu de pouvoir. Et aujourd’hui, elle est en danger.

« L’anti-science version Trump arrive en France » https://hal.science/hal-05014849