Édito du 7 juillet 2025
Réinstituer le Palais de la Découverte : un enjeu politique majeur
Le sort du Palais de la Découverte cristallise aujourd’hui la confrontation entre deux visions de la cité. D’un côté, la capture croissante des lieux publics par les magnats du luxe et leurs alliés, prompts à transformer le front de Seine en vitrine marchande et à siphonner, au passage, les 44 millions d’euros qui devraient revenir aux sciences. De l’autre, la communauté académique, forte d’un sursaut collectif initié par Stand Up for Science, qui refuse de voir se réduire encore l’espace du débat savant.
À l’attaque frontale de Mme Dati, porte-voix des intérêts de la Place Vendôme, répond la manœuvre plus feutrée de M. Baptiste : rêver tout haut d’un « Palais de l’IA » pour mieux faire passer, à la rentrée, une loi de privatisation massive de l’Université. Dans les coulisses, investisseurs de la Silicon Valley et VRP de l’« innovation » française se frottent déjà les mains.
Que l’institution ait été affaiblie par des décennies de nouveau management, nul ne l’ignore ; mais le diagnostic n’autorise pas sa liquidation. Réinstituer le Palais, c’est d’abord rompre avec la fiction d’une « culture scientifique » hors-sol : il faut rendre le lieu à la recherche vivante, à l’apprentissage du doute, du raisonnement et du débat – bref, à l’esprit même de Jean Perrin et de Paul Langevin. Cela implique de le sortir du giron étroit du ministère de la Culture, de rendre aux scientifiques un véritable pouvoir d’action, et de consacrer au sein du Grand Palais une surface – et un budget – enfin à la hauteur des enjeux.
L’arbitrage de l’Élysée tombera lundi ; il dira si la République renonce ou non à un de ses derniers lieux d’éducation critique. Au-delà, c’est toute la bataille de la rentrée qui se joue : car le même pouvoir qui liquide un musée liquide déjà l’université, démembre le CNRS, normalise les contrats privés, atomise les statuts.
Et si, pour l’heure, la torpeur estivale s’apprête à envelopper ces funestes présages d’une douce insouciance, souvenons-nous qu’elle ne sera jamais aussi brûlante que la rentrée syndicale qui vient.