Inria : Les «ISFP», postes de chercheurs et chercheuses non fonctionnaires
Suite à la volonté affichée dans le Contrat d’objectifs et de performance (COP), l’Inria a mis au concours cette année 24 postes de «Inria Starting Faculty Position» (ISFP), en plus des 24 postes de chargé·e·s de recherche (CR).
Les concours de recrutement CR et ISFP viennent de se terminer. Les organisations syndicales de l’institut (SGEN-CFDT Recherche EPST, SNCS-FSU, SNTRS-CGT) vous informent sur la situation de ces recrutements.
Selon toute vraisemblance, ce qui ressort des jurys d’admission est que l’ensemble des postes, CR et ISFP, seront pourvus. Les jurys d’admission ont opéré des modifications, parfois d’ampleur inédite, dans les classements d’admissibilité.
Des candidat·e·s sont en ce moment en train de choisir entre plusieurs offres (CR ou ISFP, pour certains dans plusieurs centres). Le degré d’information dont ils/elles disposent pour faire ce choix nous semble incertain.
Le futur contrat de travail des ISFP a été discuté le 6 juillet lors d’une réunion entre la DRH et les organisations syndicales, mais n’est, à notre connaissance, pas encore finalisé. Certains éléments ressortent cependant de cette discussion, et il nous semble utile de les partager.
- – Les ISFP seront des contrats à durée indéterminée (CDI de fonction publique). Les bénéficiaires seront considérés comme des personnels de recherche de l’institut, et les dispositions du code de la recherche concernant ces personnels leur seront donc appliquées.
- – La formulation exacte de l’incitation à enseigner est encore susceptible d’évoluer. En l’état, il est juste question d’«incitation forte» (sans plus de précision), et aucunement de «contrainte», «obligation», ou «engagement» de la part de l’agent.
- – Le projet de contrat de travail des ISFP est largement repris du contrat de travail des «Starting Research Positions» (SRP). Il contient notamment la phrase «Le bénéficiaire qui souhaite effectuer une publication doit solliciter de manière expresse, de l’autorité hiérarchique, l’autorisation de publier.».
- – La rémunération des ISFP est indexée sur le point de la fonction publique. Leur salaire à l’embauche a été fixée en haut de ce qui avait été annoncé comme la «fourchette» (il n’y a plus de «négociation à l’embauche»), c’est-à-dire:
- moins de 3 ans après la thèse: 3644€ bruts mensuels ; première réévaluation salariale à 3936€ bruts ; en l’état des règles de cotisation, cela correspondrait à 2935€ et 3177€ nets mensuels.
- plus de 3 ans après la thèse: 4150€ bruts mensuels ; première réévaluation salariale à 4482€ bruts ; en l’état des règles de cotisation, cela correspondrait à 3355€ et 3631€ nets mensuels. Les montants nets sont purement indicatifs, puisque les règles de cotisation peuvent changer.
- – La façon dont se passera l’évolution de carrière des ISFP est une grande inconnue : Quels rôles pour le Responsable d’équipe-projet (REP), le directeur de centre de recherche (DCR), la Commission d’évaluation (CE) ?
L’aspect salarial d’une part, et l’aspect d’autonomie scientifique et de liberté académique d’autre part, nous alertent.
Sur l’aspect salarial, l’arrivée des contrats ISFP introduit une forte différenciation salariale avec les fonctionnaires. Dans bien des cas, la rémunération d’un ISFP nouvellement recruté sera parmi les plus élevées, sinon la plus élevée de son équipe. Nous soulignons notre inquiétude quant aux tensions que cette situation peut provoquer. Par ailleurs, l’évolution de carrière des ISFP est incertaine. Sur l’aspect financier, au regard de la jurisprudence du Conseil d’État, il est impossible pour l’Inria de sécuriser une évolution de carrière dans la durée en s’appuyant par exemple au minimum sur la grille indiciaire des CR. Lors des discussions avec les représentants syndicaux, la Direction Générale n’a pas caché vouloir proposer aux ISFP une rémunération attractive en début de carrière avec des perspectives d’évolution limitées, de manière à encourager les agents à se porter candidats sur des postes de Directeur.rice de Recherches ou de Professeur.e des Universités. Les évolutions salariales se feront au cas par cas et pourront être utilisées comme moyen de pression sur les agents.
Parallèlement à la situation des ISFP, nous n’avons pas eu confirmation de la part de la DRH que le dispositif de «PEDR jeune» serait reconduit pour les chargé·e·s de recherche cette année (eu égard aux modifications que la LPPR est susceptible d’apporter à très brève échéance). Il nous semble important que ce point soit clarifié au plus vite.
L’autonomie scientifique des ISFP est très mal servie par la nécessité d’obtenir une autorisation pour chaque publication. Le fait que l’évolution salariale des ISFP puisse dépendre de conditions léonines posées par la hiérarchie est également une source d’inquiétude. Enfin, la sécurité de l’emploi pour les ISFP n’est pas, contrairement à ce que laisse entendre la communication de la Direction Générale, semblable pour un ISFP ou pour un CR. En effet, pour un CDI de la fonction publique, les motifs de licenciement ne se limitent pas à l’insuffisance professionnelle, un motif disciplinaire ou une inaptitude physique. Il est par exemple possible de licencier un CDI pour recruter un fonctionnaire sur le poste. Un avis du conseil d’Etat du 25 septembre 2013 (voir ICI) précise «[…], un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l’autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi. L’administration peut, pour ce motif, légalement écarter l’agent contractuel de cet emploi.» Nous renvoyons à la page de service public pour plus d’informations sur les autres motifs de licenciement d’un CDI de la fonction publique.
Ces différents points (évolutions salariales au cas par cas, moindre sécurité de l’emploi et nécessité d’obtenir une autorisation de publication) confortent notre conviction que le statut de fonctionnaire est le seul véritable garant de la liberté académique des chercheurs et chercheuses, comme nous l’avons affirmé à plusieurs reprises ces dernières années.
L’intersyndicale Inria CFDT Recherche EPST, SNCS-FSU, SNTRS-CGT