Partager notre vision de la Science et de la Recherche dans les Organismes Nationaux de Recherche (3/3)

Logo CFDT Recherche EPST

Dans son troisième et dernier volet, la CFDT Recherche EPST affirme que la communauté scientifique française a démontré, à de nombreuses reprises, sa capacité à produire des résultats d’exception. Encore faut-il lui donner les moyens d’exercer pleinement son rôle, sans la contraindre à répondre exclusivement aux impératifs économiques à court terme. La CFDT Recherche EPST plaide pour une recherche publique forte, indépendante et bien financée, pour garantir la place de la France parmi les grandes nations scientifiques.

volet 1/3volet 2/3Volet 3/3

Europe de la recherche
Au sein des 27 pays de l’Union européenne nous comptons, en 2023, 3,2 millions de citoyens travaillant dans le domaine de la recherche publique ou privée (données Eurostat). Parmi elles, 900.000 exercent leur activité sur des emplois publics soit 0,2% de la population des 27 dont 130.000 en France (soit 0,19% de la population française). Ces notions d’échelle montrent que la France reste un grand pays scientifique. Cependant l’altération de l’attractivité pour les carrières scientifiques parmi la jeune génération questionne. Les causes de cette apparente désaffection sont multiples mais certaines sont plus prégnantes que d’autres. Parmi elles, la dégradation du niveau de rémunération des carrières offertes, la multiplication des périodes de post-doctorat avant tout emploi stable, ainsi qu’une politique médiocre de financement de la recherche par les États membres en dépit de l’ambition affichée par le protocole de Lisbonne d’y consacrer 3% de leur PIB. En 2022 seuls 4 pays européens (1) consacrent plus de 3% de leur PIB à la recherche, la France est en dessous de ces seuils (2.18% pour 2022).
L’ambition initialement affichée dans le cadre de la préparation du budget d’Horizon Europe 2021-2027 était de 150 Milliards d’€. Ce financement a été réduit à 95,5 Milliard d’€ dans le cadre de l’accord Parlement européen-Conseil européen à l’issue des différentes étapes d’examen du projet. Sur ce dossier, la France n’est pas intervenue pour maintenir le plus haut niveau de financement.
L’espace européen de la recherche dans le cadre de l’ERC est l’un des rares qui soit administré par celles et ceux qui l’animent. Sa définition, son administration et son évaluation sont pilotées par la communauté scientifique elle-même. Elle a su au fil du temps créer un espace de libertés académiques dans lequel les scientifiques peuvent mener des travaux ambitieux et risqués.
La France ne participe pas autant qu’elle pourrait le faire à ce programme malgré l’excellence scientifique que l’on trouve dans les établissements. Ces dernières années, on note une érosion significative des soumissions à l’ERC de la part des scientifiques français, en particulier les jeunes. Pour celles et ceux qui l’ont tenté, le taux de réussite est par ailleurs assez faible.
Des pistes pour expliquer cela :
    • Une pratique culturelle française faible du dépôt de dossier (les scientifiques étrangers travaillant en France candidatent 2 fois plus) ;
    • Un encadrement administratif insuffisant, peu formé, mal payé et donc volatile pour accompagner les scientifiques dans l’appropriation du programme et la constitution des dossiers.
Nous réaffirmons que le financement sur appels à projets pour de la recherche publique ne peut-être un guichet unique. Cependant dans l’état actuel du financement de la recherche en France comme dans d’autres pays de l’Union, le budget du programme d’Horizon Europe 2021-2027 constitue une ressource de financements plus pérenne qui doit être maintenue et abondée pour atteindre 3% du budget européen. La ressource que constitue l’ERC doit être plus investie par la communauté scientifique française, elle-même mieux accompagnée pour le faire.
(1) : Belgique, Suède, Autriche, Allemagne 

Sciences, finances et objectifs

Le budget de la recherche n’est en aucun cas une charge pour la société mais un investissement pour l’avenir qui engage la souveraineté du pays et sa place dans le concert des nations.
    • Faiblesse et impermanence de l’investissement de l’État : Loi de Programmation de la Recherche (LPR)
Notre organisation considère la LPR comme une promesse molle car non contraignante, ni pour l’Exécutif, ni pour le Parlement, comme toute loi de programmation, à laquelle se substitue la Loi de Finance annuelle, seul véritable engagement de l’État. Nous revendiquions lors de son élaboration et, toujours depuis, l’application de la stratégie de Lisbonne élaborée en 2000 qui plaide pour une R&D à 3% du PIB (Administrations et entreprises) et 1% du PIB pour la recherche publique.
Nous contestons le maintien du Crédit Impôt Recherche attribué depuis de nombreuses années au secteur privé alors qu’il n’a toujours pas été possible de mettre en évidence ses conséquences sur la production de connaissances ni son incidence sur le transfert des technologies issues de la recherche fondamentale. Ce dispositif qui accorde une défiscalisation des bénéfices du secteur privé ne peut être considéré comme une dépense de R&D. Sous cette forme il constitue un préjudice à l’effort de recherche du pays.
    • COM contre COP dans les ONR
L’élaboration d’un Contrat d’Objectif et de Moyens peut servir de feuille de route partagée par la communauté scientifique d’un établissement, favorisant ainsi la dynamisation et la structuration du travail collaboratif. Pour garantir son succès, il est essentiel de l’accompagner des moyens humains et financiers nécessaires à sa réalisation. Nous dénonçons le maintien du modèle de Contrat d’Objectifs et de Performances des Organismes de Recherche, tel qu’il existe aujourd’hui, qui leur impose d’atteindre des objectifs sans que l’État ne s’engage substantiellement à financer cette ambition. Sans cet engagement, sa mise en œuvre et son aboutissement ne peuvent être assurés.
    • Pilotage contre liberté académique et agence de programmes (PEPR)
Recherche n’est pas innovation, mais la seconde naît, parfois, de la première !  Les politiques publiques qui prétendent soutenir la recherche dans les ONR et les universités inscrivent l’innovation comme l’un des attendus de la recherche qu’elles financent. Ce faisant, elles ne distinguent des activités scientifiques que celles permettant d’acquérir un avantage compétitif en répondant aux attentes d’un marché*.
Joseph Schumpeter, « Théorie de l’évolution économique », 1912
De plus, ces politiques induisent un biais cognitif entre l’innovation et la recherche et développement (R&D). Si la R&D constitue une vision à long terme de l’organisation dans la stratégie d’entreprise (notion plus compatible avec le principe d’une recherche sur le temps long), l’innovation s’inscrit, quant à elle, dans un modèle économique à court terme. Cette définition* consacre la R&D comme une activité prospective de la chaîne de valeur d’une entreprise quand l’innovation reste une activité de soutien.
*Michaël Porter « l’avantage concurrentiel », 1986

Les dernières mesures gouvernementales ont mis en place les Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) à caractères exploratoires qui transforment les ONR en agences de programmes. Ces décisions technocratiques, décidées top-down, allouent aux ONR des thématiques de recherche qui répondent plus aux besoins d’innovation exprimés par l’industrie qu’aux prospectives scientifiques issues de la recherche fondamentale que propose la communauté scientifique. Par ailleurs, l’allocation indigente de ressources financières et humaines ne favorise ni la rupture avec les recettes de planification du passé ni aucun renouveau pour les disciplines.

Notre organisation défend une recherche forte et indépendante, une recherche publique capable de répondre à l’ambition du pays de demeurer parmi les grandes nations scientifiques. Cette ambition nécessite que l’État accorde sa confiance à la communauté scientifique nationale, la soutienne en lui fournissant les moyens financiers et humains nécessaires pour relever les défis auxquels l’Humanité est confrontée. Cela signifie notamment le retour immédiat à un équilibre entre financement récurrent et financement sur appels à projets qui orientent la recherche contre la liberté académique.

Verified by MonsterInsights